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Orsay : peintre de ses émotions, Munch habite « La frise de la vie »

par Véronique Giraud
Le musée d'Orsay accueille jusqu'au janvier La frise de la vie d'Edvard Munch. ©RivaudNAJA
Le musée d'Orsay accueille jusqu'au janvier La frise de la vie d'Edvard Munch. ©RivaudNAJA
La nature que représente Munch épouse ses états d'âme. ©RivaudNAJA
La nature que représente Munch épouse ses états d'âme. ©RivaudNAJA
Très sensible à la maladie incurable de sa jeune sœur, Munch ne cesse de représenter la souffrance que son état lui inspire. ©RivaudNAJA
Très sensible à la maladie incurable de sa jeune sœur, Munch ne cesse de représenter la souffrance que son état lui inspire. ©RivaudNAJA
Munch n'hésite pas à se représenter pour sonder ses propres sentiments. Ses nombreux autoportraits scrutent sa fragilité, sa solitude, sa tristesse. ©RivaudNAJA
Munch n'hésite pas à se représenter pour sonder ses propres sentiments. Ses nombreux autoportraits scrutent sa fragilité, sa solitude, sa tristesse. ©RivaudNAJA
Devant
Devant "La mort de Marat". Munch admirait le tableau éponyme de David, mais ici c'est son amante, Tulla, qu'il représente au premier plan. Illustrant de son impressionnisme ce qu'il appelle « le combat entre l'homme et la femme que l'on appelle amour ». ©RivaudNAJA
Dans ce tableau, intitulé La jalousie, Munch se représente au premier, dans un décor explicite. ©RivaudNAJA
Dans ce tableau, intitulé La jalousie, Munch se représente au premier, dans un décor explicite. ©RivaudNAJA
Afin de diffuser toujours plus largement son art, Munch s'initie à la gravure au milieu des années 1890. La grande expressivité de ses gravures et la variété des techniques employées sont déployées dans l'exposition. © RivaudNAJA
Afin de diffuser toujours plus largement son art, Munch s'initie à la gravure au milieu des années 1890. La grande expressivité de ses gravures et la variété des techniques employées sont déployées dans l'exposition. © RivaudNAJA
Un des programmes de théâtre réalisés par Munch, ici
Un des programmes de théâtre réalisés par Munch, ici "Peer Gynt". ©RivaudNAJA
Arts visuels Arts plastiques Publié le 27/11/2022
Une centaine de tableaux d’Edvard Munch (1863-1944) occupe une section du musée d’Orsay jusqu’au 22 janvier. Réunissant les œuvres de "La frise de la vie", l’exposition reflète l’essence même de l’art des sentiments.

De lui tout le monde connaît son œuvre Le cri, il a fait le tour du monde et ne cesse d'être reproduit. C'est que jamais tableau n’a aussi bien représenté ce que l’on croyait impossible : l’angoisse. Les courbes du visage et de la bouche du personnage au premier plan se répercutent en s’intensifiant dans l’ensemble de la toile pour former un paysage. Paysage intérieur produit comme par la propagation d’une onde à partir du visage devenu point d’impact. Le tableau qui a rendu célèbre Edvard Munch ne fit pas partie de la centaine d'œuvres de l’exposition que le musée d’Orsay consacre à l’artiste norvégien jusqu’au 22 janvier 2023. Réalisée en collaboration avec le musée d’Oslo, villa à laquelle Munch a fait don de son œuvre avant de mourir, l'exposition est pourtant très complète, la plus complète jamais présentée en France. Intitulée La frise de la vie, elle présente l'intérêt de respecter le point de vue et le processus de l’artiste qui, rappellent les deux commissaires, « est convaincu que ses œuvres prennent plus de sens si on les associe ».  La frise de la vie raconte donc l’amour, la mort, la souffrance, la maladie, la vie donc.

 

Mais ce qui trouble c'est que le regard de Munch n’est pas extérieur. L'artiste n’agit pas comme un observateur attentif muni d’un pinceau ou d’une planche de gravure. Tout au long de sa vie, il n'a eu de cesse de représenter au plus près ce que provoquaient en lui la perte d’un proche, les effets de la maladie, les souffrances liées à l’amour, le sentiment d'être incompris. Tous inspirés par les événements de sa propre vie (la pleurésie le prive de sa mère à l'âge de cinq ans, puis de sa sœur dix ans plus tard, de son frère emporté par une pneumonie, de sa propre santé fragile que l’austérité de son père rend douloureuse. Sa volonté de s’introduire dans chacun de ses tableaux, de les habiter, est prégnante.

 

Tous ces sentiments, que chacun ressent au cours de sa vie, rendent proche le visiteur du XXIe siècle, tout en l’effrayant encore tant l’esthétique dramatique qu’invente le quasi autodidacte est radicale et puissamment évocatrice. Sa manière d’enfermer le sujet dans une onde de couleurs, les ombres traversant parfois la toile, sont toujours d’une grande nouveauté. Son expression du commun de la vie, que la société européenne de son époque n’a pas supporté, impressionne toujours. L’enfant malade, les visages blancs de mort, les regards effarés, alternent avec une représentation de la femme à qui Munch accorde le pouvoir peu enviable de donner la mort. Tout à la fois vampire à la longue chevelure rousse, meurtrière (de Marat ou d’un amant), représentée nue, la femme fait souffrir.

Répétés pour rendre plus visibles les émotions, en peignant sur toile, en gravant sur bois, imprimant ses lithographies, ces motifs renouvellent une intention et une pratique. « Il conçoit son œuvre comme un tout dans lequel ses productions se répondent » ajoutent les commissaires.

 

Et c’est bien ce que traduit le cheminement de cette exposition qui éclaire un moment de peinture où l’individu se révèle, ou l’auteur ne cache plus rien de ses propres peurs et de ses faiblesses. C’est sans doute ce qui a choqué le public de la fin du XIXe siècle, obligeant à fermer l’exposition de Berlin en 1892. Munch présentera La frise de la vie en 1903 à Leipzig. Cent vingt ans après, elle s’offre au public parisien. Munch a poussé si loin le curseur de l’identité, de la sincérité, de la souffrance, comment est-il reçu, perçu par une société occidentale qui cherche à tout prix à faire communauté, collectif ?

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