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Voir Le conte d’hiver à travers les yeux de Léontes

par Pierre Magnetto
Alex Lawther (Léontes), Simon Bakhouche (Camillo),  Paul Laufferon (Polixènes puis le fils du berger). © Pierre Gribois
Alex Lawther (Léontes), Simon Bakhouche (Camillo), Paul Laufferon (Polixènes puis le fils du berger). © Pierre Gribois
•L’actrice Sud-Coréenne Yejin Choi interprète Hermione puis Perdita à 16 ans. © Pierre Gribois
•L’actrice Sud-Coréenne Yejin Choi interprète Hermione puis Perdita à 16 ans. © Pierre Gribois
Le rêve orgiaque de Léontes. © Pierre Gribois
Le rêve orgiaque de Léontes. © Pierre Gribois
Arts vivants Théâtre Publié le 24/03/2023
La compagnie Les choses ont leurs secrets dirigée par le comédien et metteur en scène Sylvain Levitte, propose Le conte d’hiver de Shakespeare en une version radicale placée du seul point de vue de Léontes. Une plongée dans l’esprit enfiévré et délirant d’un homme atteint dans sa masculinité et un regard sur les violences sexistes et conjugales, actuellement en tournée.

Non, ce n’est pas un bug, c'est bien la même scène qui repasse. Avant de jouer la deuxième, les comédiens bissent la première, même texte, mêmes intonations dans les voix, mais pas tout à fait les mêmes postures. Hermione et Polixènes se rapprochent, se frôlent, se caressent, tandis qu’un regard noir s’imprime sur le visage de Léontes. Ainsi débute Le conte d’hiver vu par Sylvain Levitte. Dès les premières minutes le metteur en scène clarifie son propos. C’est du point de vue de Léontes qu’il invite le public à réexaminer cette oeuvre tardive de William Shakespeare et, c’est ce que ressent Léontes qui est montré dans la seconde interprétation de la scène.

La folie destructrice de Léontes Le roi de Sicile et la reine Hermione attendent leur deuxième enfant. L’histoire débute quand Léontes soupçonne sa femme d’adultère avec Polixènes et s’imagine que l’enfant qu’elle porte n’est pas le sien. A partir de ce moment il devient fou de jalousie. Pris d’une folie destructrice il tente d’empoisonner Polixènes qui s’enfuit. Il fait enfermer Hermione qui se laissera mourir après avoir donné naissance à une petite fille, Perdita. Dans sa deuxième partie, l’histoire connaîtra une fin plus heureuse qui fait passer la pièce de la tragédie à la comédie, mais encore faudrait-il être certain que le dénouement ultime ne sorte pas de l’imaginaire d’un Léontes rongé par le remord.

Les violences sexistes et conjugales Pour mieux ciseler son propos, Sylvain Levitte imagine des moments rêvés par le roi de Sicile, comme cette chorégraphie aux allures orgiaques durant laquelle tous les personnages tourbillonnent autour de lui sur une musique rap. Mais aussi, le metteur en scène fait le choix délibéré de ne pas jouer l’intégralité du texte, seules sont montrées les scènes dans lesquelles Léontes est présent afin que l’on puisse tout voir à travers ses yeux. Histoire d’un amour jaloux et mortifère, d’une peur panique empreinte d’un sentiment d’abandon imaginé, la pièce résonne aussi avec le moment présent traitant du thème des violences sexistes et conjugales. Léontes porte costard-cravate, il sort un téléphone portable de sa poche et tous les personnages sont habillés à la mode d’aujourd’hui, un choix qui marque la contemporanéité de l’oeuvre shakespearienne.

Toute la place au jeu des acteurs La mise en scène ne s’embarrasse pas de décors fastueux. Seule une estrade en guise de piédestal sur et autour de laquelle se déroule l’action, délimite l’espace où se noue la tragicomédie, laissant toute sa place au jeu des acteurs. Produite par la compagnie Les choses ont leurs secrets créée par Sylvain Levitte, la pièce est servie par six comédiennes et comédiens d’à peine plus de 20 ans jusqu’à 70 ans. Ils réussissent ce tour de force de faire vivre ce conte en incarnant à eux six une vingtaine de personnages, se glissant dans la peau de l’un ou l’autre avec une étonnante aisance. Un enfant d‘une dizaine d’années venu de la Maîtrise des Hauts-de-Seine joue avec eux interprétant le fils ainé de Léontes et Hermione, puis celui du fils du berger qui a recueilli et élevé Perdita nouvelle née, la soustrayant à un destin funeste. Une Perdita que l’on verra âgée de 16 ans à travers les yeux d’un Léontes en quête de rédemption.

En tournée pour les deux prochaines saisons Créée en janvier dernier à la Scène nationale d’Alençon dans l’Orne après deux années de préparation et de répétitions en résidence en ce même lieu et au 104 à Paris, la pièce a été jouée à Cormeilles-en-Parisis (Val d’Oise), à Èvreux (Eure). Elle était accueillie à Marseille du 22 au 24 mars à La Criée pour quatre représentations. Elle sera jouée à La Renaissance à Mondeville (Calvados) le 30 mars, puis à Hardelot (Pas-de-Calais) le 20 mai au Théâtre Elisabethain. Elle devrait être en tournée pour les deux prochaines saisons.

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