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Mot de passe oublié ?Le 6e Prix de l’Évêché - polars du Sud a été remis à Alexis Laipsker le 23 mai dernier à Marseille, dans le cadre prestigieux du Château Saint-Victor, résidence du gouverneur militaire. Récompensé pour Les poupées*, roman paru en 2022, l’auteur se veut très discret quant au contenu de son récit. Il faut dire que cet ancien professionnel du poker, passé maître dans l’art du bluff et de la dissimulation de ses émotions et de ses expressions corporelles pour ne pas trahir son jeu, est resté joueur dans l’âme. Se montrant peu disert il espère bien que les lecteurs paieront pour lire.
Son troisième thriller Alexis Laipsker est arrivé dans l’univers du polar en 2020 avec Et avec votre esprit, avant de récidiver l’année suivante avec Le mangeur d’âmes. Dans Les poupées, l’intrigue se noue autour de la découverte de six corps mutilés, entassés visiblement depuis quelques temps déjà dans une chapelle abandonnée. On y retrouve le commissaire Venturi qui reprend du service pour cette nouvelle enquête le lançant à la poursuite du dangereux psychopathe auteur des crimes. Aidé par une jeune psychologue il va devoir remonter la piste pour empêcher le serial killer de faire d’autres victimes.
L’initiative de 2 clubs Rotary Ce prix n’a pas grand-chose à voir avec celui du Quai des Orfèvres bien que l’un et l’autre priment un polar et porte le nom d'un commissariat célèbre. Il est attribué par un jury composé pour moitié de policiers et pour l’autre moitié de membres du Rotary. En effet, Le Prix de l’Évêché a été créé en 2017 à l’initiative de deux clubs Rotary, celui de Marseille-Provence-Métropole et celui de Saint-Barnabé (du nom d’un quartier de la ville). « Ils m’ont sollicité pour intégrer leur groupe alors que j’étais directeur de la police judiciaire à Marseille », confie Éric Arella. Si le policier a tout de suite été désigné président du jury, c’est sans doute eu égard à ses états de service et aussi au fait que l’idée était de former un jury composé pour moitié de policiers et pour moitié de membres des deux clubs Rotary.
Les policiers des lecteurs comme les autres ? La présence dans le jury d’une telle proportion de policiers serait-elle de nature à influencer le vote du jury ? Éric Arella ne le croit pas, même s’il concède que forcément, « notre regard est relié à notre vécu de policiers. Il est certain que de trop grosses invraisemblances vis-à-vis du respect de l’action policière, du respect des procédures, peuvent desservir un auteur. Mais si c’est un peu décalé, ce n’est pas très grave. Chaque jury doit remplir une note de lecture qui privilégie le style et la qualité du récit ».
L’action dans le Sud « Le prix c’est un travail qui dure toute l’année » poursuit celui qui est aujourd’hui Commissaire général de police auprès de la Direction Générale de la Police Nationale. Seuls des romans publiés l’année précédant la remise du prix, en langue française et non-traduits, sont sélectionnés. En outre, l’action doit se dérouler au moins en partie dans le Sud de la France ; un grand Sud qui va de Perpignan à la frontière italienne, des Alpes de Haute-Provence à la Corse. A ces critères s’en ajoutent deux autres, la qualité de l’écriture et la qualité de l’intrigue. Pour le prix 2023 60 romans avaient été retenus et, après des phases de sélections, 10 restaient en lice pour la finale. Dans ce dernier décagone comptant 1 autrice et 9 auteurs, figuraient 4 policiers et 1 gendarme
En faveur de l’enfance En 2023, la manifestation a permis de réunir 8 000 euros de dons. La règle veut que le pécule soit attribué à des organisations non lucratives agissant en faveur de l’enfance. Cette année, l’argent a été équitablement réparti entre Orphéopolis et la Fondation Frédéric Gaillanne. La première, « a pour vocation principale d’accompagner les familles de policiers endeuillées, de soutenir et accompagner leurs orphelins jusqu’à leur entrée dans la vie active ». La deuxième, basée à L’Îsles-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse, est la seule organisation en Europe dressant et offrant des chiens guides aux enfants aveugles.
Le prestige du nom de l’Hôtel de police Avec son caractère caritatif, le Prix de l’Évêché ne s’en est pas moins imposé en quelques années comme un événement important dans le paysage des prix littéraires dédiés au polar. « Nous sommes un bébé-prix comparé aux 77 ans du Prix du Quai des Orfèvres, mais nous sommes un prix qui grandit », reprend Éric Arella. Il en veut pour preuve que de plus en plus d’éditeurs viennent directement solliciter le jury pour proposer des bouquins alors qu’au départ c’est le jury qui partait à la pêche de livres répondant au profil du concours. Le policier estime aussi que « certains écrivent leur nouveau livre en y mettant un critère territorial en espérant être retenus », preuve d’une renommée grandissante. Et puis, remarque-t-il encore, « l’histoire de l’Hôtel de police de Marseille, ses décennies de lutte contre le grand banditisme, c’est quelque chose qui frappe les esprits, du public comme des autrices et auteurs ».
*Alexis Laipsker, Les Poupées, éditions Michel Lafon 2022.