Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous
Mot de passe oublié ?La seconde phase de travaux dans l’ancienne caserne de la rue de la Carreterie a été réalisée, les inscriptions en première année ont été plus nombreuses que l’année passée, et les élèves de l’école Jacques Lecoq ont apprécié la qualité de vie à Avignon. Plus de perte de temps dans les transports, une nature proche, le calme, l’espace, autant d’ingrédients inespérés. Dans l’école, plus de trente nationalités cohabitent, mènent un travail en commun, reçoivent une pédagogie du jeu qui a fait la renommée mondiale de l’école mais dont on sait peu de choses. Les âges, les parcours, les cultures diffèrent. Tous savent qu’ils vont devoir travailler énormément, et ensemble.
Peu d’élèves envisagent un retour à Paris. « Certains des seconde année (première promotion 100% Avignon) ont même envie de rester à Avignon. Ils ont aussi compris que c’est une ville qui à l’année leur offre la possibilité de résidences parce que les lieux sont vides, que l’implantation de l’école sur le territoire facilite les partenariats et qu’ils connaissent déjà les lieux ». La facilité à trouver des logements, le prix des loyers, les déplacements à vélo, encouragent un tel choix. « Les élèves nous disent que c’est plus facile pour eux de se retrouver pour répéter. Ils travaillent beaucoup ensemble en plus de l’école, ils répètent partout dans la ville ».
Continuer à former des enseignants, conserver une transmission intergénérationnelle de la pédagogie de Jacques Lecoq était un autre objectif. Enseignante et directrice de l’école depuis 2023, Anne Astolfe se trouve aujourd’hui à l’intersection. « Des enseignants ont connu Jacques, et m’ont formé. Ils ont aujourd’hui confiance en ce que je porte, en tant que directrice et faisant partie de l’équipe pédagogique. Deux nouveaux profs intégreront l’équipe pédagogique à la rentrée, c’était une de mes priorités. Toutefois, même formé, il faut presque dix ans pour maîtriser cette pédagogie ».
L’équipe travaille également à l’obtention de l’inscription au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). « Le RNCP nous permettra de devenir une formation diplômante, certifiée par le ministère du travail. On nous demande d’inventer un métier, on a opté pour le titre « acteur créateur ». Cet agrément donnera une équivalence dans les différents pays d’Europe, facilitera l’obtention des visas dans le cadre de projets européens, de programmes Erasmus, voire de financement pour les jeunes étrangers. Il permettra aussi la mise en place des partenariats - une convention est en cours de signature avec l’Université de Montpellier -. « Le but est de préserver la pédagogie de l’école en rentrant dans ces cases de normalisation ».
L’école a la singularité de former à l’acte de créer par le jeu, par le plateau, par le faire. Les candidats y recherchent l’exigence du travail physique, de la structuration du corps de l’acteur, un travail de création collective et la rencontre avec des jeunes du monde entier. C’est la marque de fabrique de l’école. « Les élèves savent qu’on accepte des gens qui peuvent venir de la danse, du cirque. On ne cherche pas des jeunes premiers, au contraire ».
À la différence d’autres écoles de théâtre, l’école Jacques Lecoq ne forme pas du tout des comédiens. « Nous formons des artistes qui sont dans un processus de création pendant deux ans. Chaque semaine ils doivent produire une création, en groupe, sans metteur en scène. Les élèves disent, et moi je l’ai vécu, que c’est une école de vie. Comme ils sont dans la création collective, chacun apprend à trouver sa place dans un groupe. On sort en ayant gagné pas mal d’années sur la capacité à s’adapter au groupe avec lequel on travaille et à des cultures très différentes. Ils sortent avec ce goût de la curiosité de l’autre, avec la capacité d'une grande force de travail ».
À Avignon. La présence de l’école à Avignon ouvre aux partenariats, avec les universités, mais aussi avec des lieux comme La Scierie. « C’est un tiers lieu que je trouve intéressant dans son modèle économique, dans ce qu’il défend l’économie sociale et solidaire, dans les publics qu’il touche et que nous ne pouvons pas toucher. Nous avons monté un projet ensemble ». Les élèves de deuxième année y sont allés en résidence pendant deux semaines. L’occasion pour eux d’apprendre à travailler dans un autre lieu, dans une autre équipe. Leurs travaux de fin de 2ème trimestre ont été présentés devant le public de la Scierie. « Cela nous a permis de toucher un plus grand nombre d’habitants, la jauge de la caserne est limitée à 80, 90 places. Nous avons également fait des ateliers avec des associations qui sont en lien avec la Scierie, notamment une association qui s’occupe d’adultes autistes. J’ai fait une intervention d’une heure et demie pour faire découvrir la pédagogie de l’école et ils sont venus voir les travaux des élèves de deuxième année ».
Des rencontres avec des responsables de structures du territoire ont été mises en place. Cette année avec Chloé Tournier de La Garance, scène nationale de Cavaillon, avec le CNC Les Hivernales, le théâtre des Halles, la salle jeunesse Le TOTEM, pour donner aux élèves un panorama des parcours de directions, des missions, de l’engagement de chacune et chacun. « À Avignon c’est plus simple qu’à Paris de se rencontrer, de s’entraider ».
Un développement à l'international. L’école a été sollicitée par le théâtre San Carlo de Naples pour une formation gratuite destinée à des jeunes Napolitains qui n’ont pas les moyens de se former dans une école privée. Nos formateurs sont allés à Naples où deux stages ont été réalisés, financés par le San Carlo. « Maintenant nous aimerions faire venir dans nos murs ce groupe d’élèves italiens, via Erasmus ».
Anne Astolfe s'est récemment rapprochée du metteur en scène Sébastien Davis, responsable jeu de l’école Kourtrajmé de Montfermeil. « J’ai envie qu’on puisse toucher d’autres jeunes. On les accueille en septembre pour des stages tous les matins. On fait se rencontrer deux écoles : Kourtrajmé et la compagnie d’entrainement à Aix-en-Provence, une école gratuite elle aussi. En échange, Sébastien Davis va travailler avec nos sortants de l’école ».
L’école jacques Lecoq est certes une école privée, mais elle s’active à mettre en place toutes les possibilités de financement pour ne pas laisser de côté les jeunes en difficulté qui ont le profond désir de suivre son enseignement. Et offre la possibilité d’un mélange des écoles et des lieux. L’école fêtera en 2026 ses soixante-dix ans, l’occasion d’échanger sur un héritage, de témoigner de la permanence d’une pédagogie à travers plusieurs générations qui, l’espère Anne Alstofe, viendront se découvrir et échanger à Avignon.
« Ce déménagement, qui nous a mis en déséquilibre, a créé une dynamique sur le territoire. Et elle est de plus en plus joyeuse ».