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Mot de passe oublié ?Quel plaisir d’entendre parler des femmes, qui parlent de femmes, seulement de femmes. Dans ce qu’elles ont de moins exceptionnel, dans ce qu’elles ont en commun mais qu’elles taisent depuis des décennies parce que cela ne semble pas intéresser la société dans son ensemble. Faire la cuisine, s’occuper des enfants, entretenir la maison ne sont pas des tâches glorieuses, mais ce sont celles attribuées aux femmes. Pour contrer cette posture collective et rendre à la vue de tous ce qu’est une femme, de son vagin à sa révolte intérieure, l’américaine Judy Chicago a dû inventer un art féministe dans les années 70 en Californie. C’est de là et de l’exposition Womanhouse que l'artiste organisa en 1972 avec Miriam Schapiro qu'est partie Pauline Sales pour créer sa pièce Les femmes de la maison. Moins radicale dans son expression qu’une toile, une performance ou une photo, la pièce met en mouvement trois femmes dont les corps, les gestes, les personnalités et les mots font remonter le temps, depuis 1950 à aujourd’hui, avec un passage par les années 70, marquées par les mouvements de libération du corps de la femme. Leur présence est habilement articulée par celle d’un homme. Il est cinéaste, son sujet est la révolution. Il aime aussi, épouse celle qu’il aime sans devenir son mari, lui achète une maison, puis la lui rachète et prête cette maison à des femmes artistes pour qu'elles y trouvent la sérénité nécessaire à la création. Car, comme dit l’une des protagonistes, « Une femme a toujours besoin d’espace ». En 1970 « montrer le sexe féminin est dangereux », en 1980 on se persuade que « l’homme, ça n’existe pas », alors qu'en 2020, « on ne peut pas se parler ».. Elles sont plasticiennes, performeuses, écrivaines…
La pièce de Pauline Sales fait voyager dans la fiction féminine, elle ne s'arrête pas à la vraisemblance militante. À l'heure de #Meetoo, cela confère au propos force, richesse, ampleur. Sur un rythme virevoltant, les trois magnifiques comédiennes changent de personnalités et d’époques. Très convaincantes, et servies par des dialogues qui sonnent juste, elles font rire et ça fait du bien. Et ravive le plaisir oublié de voir des femmes s’enlacer et rire sans masque.