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Les machinimas, quand le jeu vidéo devient un art

par Julie Delem
Sur YouTube, Dailymotion ou encore Vimeo, il est désormais chose aisée pour un réalisateur de partager son travail. 
Sur YouTube, Dailymotion ou encore Vimeo, il est désormais chose aisée pour un réalisateur de partager son travail. 
Arts visuels Arts vidéo Publié le 01/10/2015
Se servir d'un jeu vidéo pour réaliser un film. Le machinima, à la fois moyen d'expression et genre cinématographique, a fait son apparition dans le milieu des « gamers » à la fin des année 90, avant d'être repris par l'art vidéo.

Les adolescents vont enfin pouvoir se décomplexer de la manette. Il suffit, pour ce faire, d'emmener leur parents faire un tour en galerie d'art. Là, perchée dans sa solitude murale, une partie de Call of Duty tournera peut-être en boucle. Car effectivement, quelques minutes de jeu video peuvent être exposées, au même titre que n'importe quelle autre œuvre d'art.

Fonction "Record". Cette nouvelle branche de l'art vidéo s'appelle « machinima ». Né dans les années 90, le concept a été inventé à partir de la contraction des mots « machine », « cinéma » et « animation ». Il s'agit en réalité de films réalisés en « tournant » ses images à l’intérieur même de jeux vidéos, grâce à la fonction d'enregistrement souvent présente au sein des parties. Son intérêt : propulser les « geeks », les « gameurs » ou tout simplement les fauchés au rang de réalisateurs ou d'artistes vidéastes. En quelques plans dirigés par manette, capturés puis montés, il devient possible de raconter une histoire, de créer un univers, de rajouter des dialogues, d'inventer une identité à des personnages. En clair, de réaliser un film virtuel pour quelques euros. 500, tout au plus, pour le dernier-long métrage de Mathieu Weschler, The Trash Master, enregistré en temps réel au sein de la version 4 de GTA.

Nouvel outil. En France, plusieurs évènements (passés ou présents) comme le festival d'Annecy, le Flash festival de Pompidou, ou encore le Gamerz d'Aix-en-provence, ont fait de la place dans leur programmation pour des sections spécifiquement dédiées au cinéma des machinimas. Soutenant la mouvance depuis ses débuts français, Isabelle Arvers, commissaire d'exposition indépendante, s'intéresse de très près à ses applications du côté de l'art vidéo contemporain.
« Désormais, grâce à des logiciels comme Movie storm, on a plus besoin d'être un « gamer » ou de rentrer dans le code pour réaliser un machinima. Il s'agit d'un médium dont tout le monde peut s'emparer, notamment les artistes ». Parmi les artistes vidéastes qui ont franchi le pas, on compte par exemple Jon Rafman, Palle Torson, Hugh Hancock, Georgie Robxy Smith, Anita fontaine, Félicien Goguey & Benjamin Bartholet, Chris Hawlett ou encore Clint Enns.

Démocratie. Face à cette nouvelle approche de la technologie et de la culture populaire, l'art élitiste en prend un coup : Pas besoin d'études, de savoir réaliser des plâtres ou de connaître l'histoire de l'art sur le bout des doigts pour dire ou montrer ce que l'on a envie avec un moteur de jeu 3D. C'est le cas du français Alex Chan, qui en 2005, lors des émeutes des banlieues urbaines, décide de poster sur le net son point de vue vidéo sur la réalité de la situation. The French Democraty, bricolé en une semaine grâce au jeu The Movies, est téléchargé un million de fois et fait le tour des Etats-Unis. Alex Chan est aujourd'hui réalisateur professionnel.

Culture « Game ». L'avènement des machinimas est ironique. Car si on retrouve des premières initiatives dans les 70 dans la scène démo, les machinimas ont avant tout été permis et encouragés par les firmes de l'industrie des jeux vidéos qui voyaient en eux un bon moyen de diffuser la culture « Game ». Le premier logiciel d'enregistrement embarqué a été lancé en 1993 au sein de Doom, afin de réaliser des « speed-run » : capturer les performances des meilleurs joueurs réalisant des niveaux de jeu en un temps record. Progressivement, il devient possible d'incorporer des dialogues. «  Le premier machinima, intégrant de la narration est créé en 1998, avec Diary of a camper », se souvient Isabelle Avers. Les choses s'enchaînent rapidement : un premier festival voit le jour à New York, dans les années 2000. Puis, les industriels décident de passer à la vitesse supérieure voyant dans le « game play » un marketing d'influence (soft power) à la diffusion virale et internationale. Les Sims, en 2000, intègre directement des outils pour réaliser des films. Seule condition en matière de droits d'auteur : les utilisateurs du jeu ne peuvent pas gagner d'argent avec leurs réalisations, « sauf pour des arrangements au cas par cas », note Isabelle Arvers. La commissaire d'exposition confie : « aujourd'hui, la plupart des réalisateurs de machinimas fiction se font embaucher par les compagnies de jeu vidéo, afin de travailler sur des productions d'images en temps réel ».

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