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Mot de passe oublié ?Les centaines de chaussures habilement scénographiées par l’architecte designer Éric Benqué occupent entièrement le deuxième étage du musée des arts décoratifs et fourmillent d’histoires. Les unes les autres racontent un objet initialement conçu en tissu par l’artisan du Moyen-Âge qui, au gré des époques, des cultures et du statut social, s’est métamorphosé en s’efforçant de concilier esthétique et pratique, forme et fonction. Au fil des salles, se dessine une géographie de la chaussure. De la babouche dont on apprend que l’extrémité fine et recourbée a été imaginée pour limiter la pénétration du sable des déserts d'Orient à la sandale du Pakistan ajourée pour éviter l’échauffement de la voûte plantaire, ou encore les bottines chinoises du début du XXe siècle surélevées pour marcher dans la boue. Le cartel accompagnant chaque modèle précise le pays d’origine et l’usage qui en est fait, faisant surgir des paysages et des époques lointaines où marcheurs et marcheuses imprimaient de leurs pas la roche des montagnes d’Asie, le sable des déserts d’Arabie, les salles des cabarets du Japon ou, dans les années 70 en France, les podiums de la mode. La plupart font série, certains modèles sont des cas particuliers à l’instar de la chaussure de fakir bardée d'épines métalliques.
Les boucles des chaussures d’homme du XVIIIe, véritables bijoux, témoignent de la préciosité de l’apparat du gentilhomme ou de l’homme des cours d’Occident. Les ornements, la forme même de la chaussure sont objets de curiosité aujourd'hui encore, comme cette paire fabriquée par l'artiste Corrine Borgnet avec des os de volailles, ou cette autre en vinyle laqué conçue par les architectes Zaha Hadid et Rem D. Koolhas, ou encore les chaussures rebondissantes de Neta Soreq résultant d'une impression 3D. Autant de modèles forçant l’admiration et l'imagination, sans toujours susciter l’envie de les porter.
Pour les modèles les plus surprenants, le récit illustré du MAD s'écrit en « chapitres » à part entière. Qu’il s’agisse des pieds bandés des petites filles imposés par le code chinois, des longues chaussures de clown, des chaussons de danse ou encore des modèles destinés à alimenter le fétichisme et le fantasme sexuel. Autant de terminaisons étranges du pied capables d'engendrer une souffrance extrême, ou une sensualité suggestive au nom d'un "idéal féminin".
Marche et démarche est la troisième grande exposition de l’institution parisienne organisée autour du rapport entre le corps et la mode. Lui ont précédé La mécanique des dessous (2013) et Tenue correcte exigée (2017). Avec près de 500 œuvres, chaussures, peintures, photographies, objets d’art, films et publicités, issues de collections publiques et privées françaises et étrangères, l'exposition propose une lecture insolite d’une pièce vestimentaire tantôt anodine tantôt extraordinaire.
Marche et démarche - Une histoire de la chaussure. Une exposition du musée des arts décoratifs, du 7 novembre au 23 février 2020.