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Marion Fayolle : « créer des images qui ont du sens »

par Damien Couget
Marion Fayolle était invitée au Salon de la BD D'Aix-en-Provence en avril © Couget/NAJA
Marion Fayolle était invitée au Salon de la BD D'Aix-en-Provence en avril © Couget/NAJA
"L'homme en pièces", éditions Michel Lagarde 2011 © Marion Fayolle
Le drôle de train, planche extraite du recueil
Le drôle de train, planche extraite du recueil "Les coquins", éditions Magnani 2014 © Marion Fayolle
Tout est dit en dessin © Marion Fayolle
Tout est dit en dessin © Marion Fayolle
Livre BD Publié le 07/05/2015
Après La tendresse des pierres, dans lequel elle dessinait avec tendresse et pudeur la maladie de son père, Marion Fayolle aborde un sujet plus léger avec Les coquins, un mignon petit recueil de dessins érotico-surréalistes. Sortie de l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg, l'illustratrice travaille déjà à son sixième livre. Rencontre.

Pouvez-vous vous présenter ?

J'ai fait cinq livres, qui peuvent s'adresser parfois aux enfants, parfois aux adultes. Ils prennent aussi différentes formes, celle d’un album illustré, celle d’un livre graphique. J’ai eu mon diplôme de l'école des arts décoratifs de Strasbourg en 2011. Depuis je vis à Lyon et je travaille pour la presse et pour l'édition.

 

Votre dernier livre a pour titre Les coquins. De quoi est-il question ?

C’est un recueil de dessins érotiques/surréalistes. J’ai d’abord réalisé ces dessins pour la revue Nyctalope dont je m'occupe avec Simon Roussin. C'est une revue laboratoire qui nous permet de faire des essais. J'avais fait une série d'images où je m'amusais à remplacer les sexes par des objets ou par des animaux, créant des petites illustrations humoristiques. Au premier abord, ça ressemble à des dessins naïfs, à des images pour enfants, qui peuvent ensuite s'avérer un peu cochonnes, en tout cas proposer un autre degré de lecture.

J’ai poursuivi ces dessins pendant l’année qui a suivi la parution de La tendresse des pierres, un gros livre sur lequel j'avais passé beaucoup de temps, mis beaucoup d'énergie dans ce sujet délicat. J'avais envie de faire quelque chose de plus léger. Mes idées s'empilaient sur mon bureau et, avec Julien Magnani, nous avons décidé d'en faire un petit recueil. Un tout petit format qu'on peut cacher dans la poche. Une façon de jouer avec l’idée du petit livre un peu coquin, et mignon en même temps.

 

Comment est venue cette idée ?

J'aime beaucoup m'amuser avec les rapports humains et les relations, qu’elles soient amoureuses, amicales... Ce qui m'intéresse, c'est de rendre visibles des choses qui ne le sont pas. D'utiliser le dessin pour faire apparaître des sentiments ou des choses immatérielles qui lient les gens. J’y travaille dans presque tous mes livres. Pour mon dernier livre Les Coquins, les petits dessins sont venus de l’idée de mettre en lien deux personnages, en me disant « si les fesses ressemblent à la lune, le sexe peut ressembler à une fusée », et de créer une complémentarité dans les métaphores en s’interrogeant sur les rapports homme/femme. Jamais je ne partais de ce que j'avais envie de dire pour trouver ensuite une image.

Je faisais des listes dans mon carnet : « à quoi pourrait ressembler un sexe ? À ça, à ça, à ça... » puis je me disais « c'est marrant l'escargot et la salade, ça peut aller ensemble, etc. ». Les images que je créais me semblaient avoir du sens.

 

Dans votre travail, le surréalisme permet donc d’exprimer l'immatériel ?

J’y ai souvent recours. Ce qui m'intéresse c'est donner un vrai sens au dessin. Si je ne fais pas de la photo ou du cinéma par exemple, c'est parce que mon expression est le dessin. C’est créer des sortes de déplacements, des personnages un peu hybrides, des très grands, d'autres très petits, de jouer avec des choses qui ne pourraient pas vraiment exister. Dans mon tout premier livre L'homme en pièce, mes planches s’apparentaient à des petites scène de théâtre impossibles à mettre en scène dans la réalité, il n’est pas possible qu'en soufflant sur un comédien ça le fasse s'envoler comme une bulle de savon. J'aimais bien l'idée qu’un langage ne vienne que du dessin. Je pense que c'est aussi ce qui amène le surréalisme.

 

Quelles sont vos influences ?

Je ne me suis jamais nourrie de la bande dessinée, je n'aime pas trop la bande dessinée classique. J'aime la nouvelle bande dessinée, que je découvre en même temps que je fais ce métier. Toutes ces choses entre la bande dessinée et autre chose, ce qui questionne le système narratif de la case et la bulle classique. J'aime beaucoup le travail de Roland Topor qui m'a beaucoup nourri à un moment, Magritte aussi dans ses dessins où il est assez simple de voir des liens. J'ai beaucoup lu Kafka quand j'étais au lycée, je pense que certaines choses m’ont marquée. J’écoute beaucoup de films, surtout ceux du cinéma de la Nouvelle Vague. J’aime bien écouter les films pendant que je travaille et, comme je ne parle que français et que je ne comprends pas très bien l'anglais (rires), je mets souvent des vieux films du cinéma français. J'aime beaucoup juste me concentrer sur les dialogues, comme j'adore aller au théâtre, regarder de la danse. Plein de choses me nourrissent, mais pas nécessairement la bande dessinée.

 

Pouvez-vous nous parler de ce nouveau projet ?

Je suis en train de travailler sur un livre où je fais une sorte de comédie musicale : j'écris des chansons et en même temps il y a plein de moments muets. Il y a des moments ou je me dis « je n'y arrive plus avec le texte », je pars dans les images, puis je reviens vers le texte. J'ai une sorte de squelette de mon histoire, je sais à peu près ce qu'elle veut dire, ses enjeux et sa fin, les éléments clés. Après j'improvise. Je vois au fur et à mesure comment je m'en sors avec le texte, les images et la vision globale de l'histoire.

J'essaye à nouveau de questionner les liens entre les gens, à travers l’histoire d'un homme qui va en quelque sorte congeler des moments. Il y a des moments figés et gardés dans une pièce, d’autres où cet homme va dégeler ces émotions, ces moments là. La notion de temps, l’idée de vouloir rendre durable des choses éphémères. Ça prendra la forme d'une sorte de comédie musicale avec des moments dansés, des moments de dialogues assez classiques. Des figurants sont là juste pour faire de la musique, ou pour chanter ou pour animer puis, hop, ils disparaissent. Par exemple, ils vont arriver, prendre les personnages, les plisser comme des accordéons, et puis jouer de l'accordéon avec, et en même temps il y aura une chanson en lien avec le récit. Ensuite ils les reposent au sol, ils repartent, et l'histoire continue.

 

Comment viennent vos personnages?

Mes personnages sont toujours en pied, toujours pieds nus, on les voit toujours de loin. Ce qui est très important pour moi c’est leur gestuelle, le langage qui va passer par le corps. Il n'y a jamais de gros plan sur leur visage, ils n'ont jamais de prénom. Ce sont plus des personnages théoriques que de vrais personnages comme une bande dessinée classique. Ils sont assez simples, garçons et filles font la même taille, je change juste les coiffures. Un deuxième personnage va apparaître juste parce qu'il a des cheveux d'une autre couleur ou un tee-shirt d'une autre couleur, pareil pour les filles. Il y a ce truc là assez simple avec des personnages toujours un peu de profil. Je suis assez influencée par les vieilles gravures, les images anciennes aux perspectives fausses. Ces choses me plaisent et me nourrissent dans la manière graphique de traiter mes sujets. Mes couleurs, je les fais avec des sortes de transferts et de tampons d'encre, qui peuvent un peu s'apparenter à la technique de la sérigraphie.

 

 

Pouvez-vous nous parler de votre expérience dans le dessin de presse ?

Je travaille pour la presse depuis que je suis sortie de l'école. Au début, je ne savais pas si j'avais envie de faire ça ou pas, puis ça s'est un peu imposé à moi. J'ai eu des propositions dans la presse, et finalement, c'est intéressant. On me donne toujours des articles très compliqués, de philosophie, de psychologie, des trucs complètement abstraits. J'ai un temps très court pour essayer de rendre l'article presque compréhensible en une idée, de synthétiser et donner une image qui peut être une porte d'entrée vers l'article. Matérialiser une pensée par le dessin, j'ai l'impression que ça la rend plus évidente. Du coup, cela m'intéresse beaucoup, et je le fais assez souvent. Au début, c'était alimentaire, maintenant c'est quelque chose que j'aime bien faire. Même si la pression du dessin qui doit être fait dans l'urgence c'est dur à gérer au quotidien.

 

Soyez curieux : http://cargocollective.com/marionfayolle

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