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Marion Hislen lutte pour la libre Circulation(s) de la photographie européenne

par Véronique Giraud
Marion Hislen © Augustin Rebetez
Marion Hislen © Augustin Rebetez
Arts visuels Photographie Publié le 17/12/2015
Marion Hislen est passionnée de photo. Elle a même quitté son job pour se consacrer au festival Circulation(s) qu’elle a fondé en 2005. La manifestation, qui porte sur le devant de la scène les premières séries de jeunes artistes d'Europe, a fidélisé un public qui sait se mobiliser pour soutenir le travail de l’association. Rencontre.

Il faut d'abord traverser la cour au delà d'une porte cochère de la rue de Charonne, puis monter deux raides escaliers avant d'arriver, sous le toit, à un petit corridor qui conduit à une immense pièce au fatras d'un… atelier d'artiste ? Non point. C'est ici-même l'espace de travail collaboratif des bénévoles de l'association Fêtart, organisatrice d'un festival de la jeune photographie européenne. On pressent que la tâche est immense, que tout se passe ici. D’une table à une autre, chacun s'active, les échanges fusent, un fond musical tente quelques échappées. A l'une des tables, une jolie blonde lève la tête et sourit en entendant son nom, Marion Hislen. Une personne cède sa place et, une fois les sacs, manteaux et autres objets dégagés, on est invité à s'assoir pour faire connaissance avec celle qui a fondé la fondatrice d festival Circulation(s).

 

L'histoire du festival est intimement liée à la vie même de Marion Hislen. Il y a quelques années, la jeune femme a voulu concilier sa passion de toujours pour la photographie et son talent intuitif d'organisatrice d'événements. Avec un budget zéro et pour seule certitude que " ce qui sert le plus à un jeune artiste c'est d'être exposé ", celle que sa mère destinait à la danse et qui s'est retrouvée très tôt à organiser des événements culturels décide de franchir le pas. En mettant d'abord à contribution son père, propriétaire d'une immense cave à Cachan. " Elle était inoccupée. Nous nous sommes dit : si on faisait une expo avec les artistes qu’on adore, les jeunes photographes qu’on admire ». C’est comme ça que tout a commencé. La première exposition, intitulée 20 photographes d’aujourd’hui, vit le jour en 2005. Dans la foulée, l’association Fêtart a été constituée et plus d'une quarantaine d'expositions ont été montées. De manière impromptue et sans aucun moyen. Dans des lieux éphémères de la région parisienne qui étaient préférés parce qu'ils n’étaient pas dédiés à la photographie. Il y eut un cloître, des squats, des caves, des usines désaffectées.

Crise de croissance. « Un jour, on s’est dit qu’il faudrait avoir un événement récurrent pour lequel on était capable un an à l’avance de dire qui et comment on allait programmer. Afin d’espérer trouver des subventions privées et publiques », évoque Marion Hislen. En 2008, le thème du Mois de la photo était l’Europe. L’association saisit l'opportunité pour organiser in extremis sa première exposition de jeunes photographes européens, qu'elle baptise Circulation(s), et qui fut accueillie à la Cartonnerie dans le XIème. « Cela nous a donné l’idée de travailler sur l’Europe. On a décidé de garder le titre Circulation(s) qui pour nous était le meilleur. Puis on a mis un an à trouver un lieu prêt à nous héberger gratuitement ». Ce lieu, ce fut Bagatelle pendant trois ans, grâce à Christophe Choron, alors directeur de la culture des Parcs, Jardins et Espace verts de Paris. Ce fan de photo avait suivi depuis leur début les expositions de l’association. Le festival a tout de suite été un succès. « Les gens adoraient Bagatelle parce qu’il y avait un côté magique. On sortait de la ville polluée, bruyante et on rentrait dans ce parc où il y a des paons, des chats, des oies, des canards, et où les photos étaient dans la nature. L’inconvénient c’est qu’il n’y a pas de métro et que ce n’est pas un lieu culturel ».

Le Centquatre. En 2014, le festival est accueilli par le Centquatre, bénéficiant du même coup de la notoriété d’un lieu culturel reconnu, où les gens cherchent à voir une exposition. Le nombre des visiteurs a doublé, passant à 47000 cette année. « C’est une chance d’être au Centquatre, qui est très ouvert aux propositions. C’est ce qui fait la force de ce lieu. Si on arrive avec des propositions qu’ils trouvent artistiquement intéressantes, ils sont très encourageants ». Des idées, l’association en a beaucoup, des moyens encore très peu. Elle fonctionne surtout avec la belle énergie des bénévoles. Aujourd'hui, elle repère les festivals, les écoles, les acteurs pouvant diffuser les appels à candidatures européens de Circulation(s). En 2014, la manifestation a commencé à être repérée par d'autres festivals. Désormais, l’équipe est invitée aux lectures de port-folio, une opportunité pour repérer des artistes.

Le modèle économique ? Depuis ses débuts, l’association Fêtart fonctionne sur l’échange. Avec Epson pour les encres et les papiers, avec l’atelier Label Image pour le tirage des photos, à ses frais le vernissage et le flyer. Les photographes qui veulent encadrer leurs œuvres le font eux-mêmes. « On ne gagnait pas d’argent mais on n’en perdait pas. Les œuvres appartenaient aux artistes, on leur tirait les photos gratuitement ce qui est déjà beaucoup. En créant un festival, on est entré dans une problématique plus compliquée ». Il s’agit de trouver des aides. Marion Hislen s’est mise au chômage l’an dernier, en se donnant deux ans pour payer au moins un salaire. Pour l’instant, des tas de petites choses financent l’association. Les appels à candidature payants, un peu de subvention, quelques produits dérivés - catalogues, badges, cartes postales, magnets, sacs. La catalogue annuel de Circulation(s), composé par Fabienne Pavia, directrice des éditions Bec en l’air, est financé au moyen du crowdfunding via la plateforme KissKissBankBank. Nous avons une grande communauté qui nous suit, qui achète le catalogue. « Nous avons fait de belles découvertes. Pas mal de ces artistes sont maintenant bien cotés, sont représentés par des galeries. Si on reprend depuis le début, c’est une belle aventure ». Pour l’édition 2016, celle des dix ans de Circulation(s), les projets fusent : un grand studio photo à l’ancienne sera installé au milieu du Centquatre, « pour que les gens viennent se faire photographier en famille par des portraitistes, les week-ends du festival ». Un jeu pour enfants memory-domino va être conçu et proposé et l’association va devenir galerie pour permettre de vendre les œuvres des artistes qui le souhaitent. La loi du business a frappé. « Maintenant on ne peut plus raisonner en terme de subventions, constate Marion Hislen. Cela ne fonctionne plus pour les nouveaux entrants. Les institutions nous envoient vers le privé, nous contraignant à nous plier aux exigences de l’entreprise. Aujourd’hui les acteurs culturels passent beaucoup de leur temps à chercher de l’argent plutôt que de faire de la programmation. C’est très compliqué de convaincre les entreprises. En France, il n’y a pas de tradition de financement des acteurs culturels. Pas d’aide de l’Etat, pas d’aide de l’entreprise, les petits sont en danger ».

 

Association Fêtart - 121 rue de Charonne 75011 Paris - www.festival-circulations.com  - Festival Circulation(s), du 16 mars au 16 juin 2016 au Centquatre-Paris - 5 rue Curial - Paris 19e

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