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Marseille en temps de peste, à l’aune de la pandémie

par Jacques Mucchielli
Exposition La peste à Marseille au musée d'histoire de la cité phocéenne © Rivaud-Naja
Exposition La peste à Marseille au musée d'histoire de la cité phocéenne © Rivaud-Naja
Hors-Champs Société Publié le 18/11/2021

Tout a commencé avec la découverte récente à Marseille de trois charniers. Les fouilles archéologiques et anthropologiques de ces enfouissements de corps observant des gestes funéraires inhabituels ont permis de faire le lien avec l’épidémie de 1720-1722. Archéologues et historiens ont formulé l’hypothèse, les biologistes l’ont confirmée. La conclusion est venue de l’immuno-détection (signature immunologique du bacille de la peste dans la partie spongieuse de l’os et la pulpe dentaire) et de la paléomicrobiologie moléculaire (ADN du fossile dans la pulpe dentaire).

Pour mieux se rendre compte de l’impact de l’épidémie sur Marseille, l’exposition rappelle la prospérité de la ville à l’époque, avec ses 90 000 habitants et son port qui rayonne sur le monde. D’où la crainte des épidémies ramenées par les embarcations. En 1719, l’ingénieur Antoine Mazin conçoit une consigne sanitaire qui évitera une vingtaine d’épidémies. Mais ses officiers ne résisteront pas aux pressions pour débarquer les marchandises du Grand-Saint-Antoine, le navire porteur du bacille de la peste.

 

La corruption encore. Le navire lève les voiles le 22 juillet 1719 de Syrie où il a chargé, pour la somme fabuleuse de 300 000 livres, des balles de coton et de riches étoffes. C’est dans ces dernières que niche le bacille de Yercin, responsable de la peste. Il accostera dans la cité phocéenne le 25 mai 1720.

Dès son départ du Levant, le capitaine du navire, Jean-Baptiste Chataud, savait ce qu’il transportait en plus des marchandises. Un de ses passagers est mort à bord du navire et les symptômes ne laissent guère de doute sur la nature de la maladie.

Durant la navigation, sept membres d’équipage, dont le chirurgien de bord, vont mourir dans les mêmes circonstances. Lorsque le capitaine accoste alors à Marseille, il y a urgence pour lui. Non en raison de la maladie, qui vient de tuer un huitième matelot, mais des riches étoffes qui doivent être vendues à la grande foire de Beaucaire qui se tient le 22 juillet.

L’exposition, organisée au musée d’histoire de Marseille jusqu’au 30 janvier, montre que le bureau de santé va changer ses décisions irrationnellement donnant à penser qu’elles sont faites sous la pression. Et notamment du premier échevin de la ville, Jean-Baptiste Estelle, qui est l’un des négociants copropriétaires des marchandises avec Jean-Baptiste Chataud et son beau-père. Il sera pourtant reconnu non coupable et remercié pour son dévouement pendant l’épidémie. Le capitaine Chataud sera lui enfermé trois ans au Château d’If.

 

Trois charniers. Les caveaux des églises et les cimetières n’ont plus le droit de recevoir de corps de pestiférés dès le mois d’août 1720, ce qui explique l’existence de charniers. Comme le montre l’agrandissement du tableau de Michel Serre qui ouvre l’exposition au musée d’histoire, les corps sont jetés par les fenêtres, ramassés à l’aide de pinces géantes, dont un exemple d’époque est exposé, et transportés par des tombereaux. Les études ont permis de déterminer que le charnier de la Major correspond à la première vague de l’épidémie de peste en 1720, avec des cadavres collectés en ville dans l’urgence. Celui de l’Observance provient lui de la rechute de l’épidémie de 1722, positionné tout près de l’hôpital de La Charité.

L’exposition, comme celle du musée des Beaux-Arts (jusqu’au 31 mai), fait la part belle au contemporain Michel Serre, peintre des galères royales, qui témoigne de la tragédie par ses tableaux représentant des scènes de la peste ou le Grand-Saint-Antoine.

 

 

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