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Mot de passe oublié ?Au sud de Berlin, au bord de la Spree, se dressait du temps de la RDA communiste un grand parc d’attraction aujourd’hui abandonné à la sombre forêt du Plänterwald. C’est près de ce dédale de chemin de fer en bois et de montagnes russes déglinguées par la rouille que le colonel Hassan, ancien de la garde de Saddam Hussein, a donné un rendez-vous fatal. Ainsi commence Menaces italiennes, le dernier roman de Jacques Moulins qui vient de sortir dans la collection Folio Policier au moment où sa traduction est publiée en Grèce. S’ensuit une invitation au voyage à travers une Europe malade de ses vieux démons. Dans cette descente du nord au sud, le lecteur fera une halte en Slovaquie avec la dirigeante d’un parti populiste qui ne s’embarrasse pas de scrupules pour conquérir le pouvoir. Ce qui ne l’empêche pas d’être amoureuse De Pietro, un professeur italien qui, pour être cultivé et élégant, n’en est pas moins l’idéologue d’une extrême-droite préparant son ascension sur Rome en noyautant les associations de tifosi. Jusqu’à ce que deux femmes de bonne famille de Gênes disparaissent…
Des personnages étonnants. L’écrivain et journaliste (à l’agence Naja), très documenté sur l’histoire récente, nous fait suivre des personnages surprenants. Dans Le Réveil de la bête (Folio n°943), Milosz, jeté à la rue après la chute des régimes communistes, exaspéré par les étrangers, tous les étrangers, est un geeck aux redoutables fréquentations. Lina, dans Retour à Berlin (Folio n°975), va vivre sa crise d’adolescence en investissant au fil des chapitres un immense immeuble délaissé de l’ancienne RDA où se baladent de bien sinistres militants.
On retrouve l’équipe de policiers d'Europol où sont traités à parts égales, le patron Deniz Salvère, haut fonctionnaire, froid, carriériste et pourtant attachant, et ses deux adjointes, l’Italienne Minetti et l’Allemande Hruby aussi opposées que complémentaires, aussi efficaces dans leur vie professionnelle que perturbées dans leur intimité.
Pour décor, l’Europe gagnée par les extrêmes. En toile de fond de ce balai de personnages qui ne vont jamais où on les attend, l’Europe apparaît comme un colosse aux pieds d’argile. Elle navigue entre Europol, présentée comme un miroir de l’Union européenne qui a tant de mal à se construire, et les menées de mouvements populistes traités à travers des personnages hauts en couleur, le mystérieux colonel, l’idéologue italien ou un ancien militaire des services secrets. Lentement, monte « une lame de fond dont personne ne sait si elle s’écrasera sur la berge, ce qui fera déjà d’innombrables dégâts, ou si elle sera suivie d’autres plus puissantes qui, par leur force, changeront la face de notre vieille Europe ». Écrit avant l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, le roman se laisse lire en une nuit et questionne notre imagination sur un avenir aussi ouvert qu’inquiétant.