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Montpellier Danse : ces corps migrants

par Jacques Moulins
L’affiche de la 42e édition du festival Montpellier Danse, toujours plus incontournable pour la danse contemporaine. © les produits de l'épicerie
L’affiche de la 42e édition du festival Montpellier Danse, toujours plus incontournable pour la danse contemporaine. © les produits de l'épicerie
Arts vivants Danse Publié le 30/03/2022
Pour sa quarante-deuxième édition, le festival Montpellier Danse confirme son importance en Europe et multiplie les créations qui sont autant d’entrées sur les différentes tendances de la danse contemporaine. Du 17 juin au 3 juillet.

S’il fallait le confirmer, l’ouverture de Montpellier Danse par Philippe Decouflé et sa compagnie DCA, le 17 juin prochain, rappelle l’éclectisme de la programmation d’un festival qui souffle ses 42 bougies. Le chorégraphe, qui sait monter des spectacles grand public, voisine avec Eszter Salamon dont l’intimisme se conjugue avec une inventivité surprenante. Le spectre large de la création chorégraphique contemporaine est ainsi couvert et assumé.

Son ancrage dans un monde qui connaît peu de frontières, à une époque où leurs revendications continuent à faire le malheur de l’humanité, est aussi la marque de ce festival. Alors que la guerre dévaste l’Ukraine qui a osé marquer son attachement aux idées et à l’Union européennes, nombre de chorégraphes invités sont la preuve même, par leur existence et leurs déplacements, du mélange heureux des cultures. Européennes d’abord, comme le montre Eszter Salamon, Hongroise qui a longtemps travaillé à Montpellier avec Mathilde Monnier avant de s’en aller créer à Berlin et qui présentera le fruit de ses pérégrinations dans deux pièces, Monument 0.7 : Mothers, un duo avec sa mère, et Monument 0.9 : Replay, qui recompose et interroge une création de 2004.

 

Mais hors d’Europe aussi. L’Iranien Hooman Sharifi qui, à l’âge de 14 ans, a quitté son pays, seul et à pied, pour rejoindre la Norvège, a traversé tant de contrées que sa curiosité n’a pu s’en satisfaire. Il créera Sacrifing while lost in salted earth en invitant sept artistes, exilés comme lui de son pays, sur une musique du compositeur classique iranien Arash Moradi qui revisite le Sacre du Printemps de Stravinsky.

Les temps de Covid s’oublient, mais pas le travail qui s’est accompli à cette période. Trois spectacles qui n’avaient pu être programmés le sont enfin. D’abord ce surprenant travail de Robyn Orlin, bien connue des festivaliers, autour des rickshaws de son enfance en Afrique du sud. La chorégraphe présentera par ailleurs un solo créé pour la Montpelliéraine Nadia Beugré. Ensuite 2019 de la compagnie israélienne, fétiche du festival mais interdite de sortie pendant le covid, la Batsheva Dance Company d’Ohad Naharin. Fait unique à Montpellier, elle donnera quatorze fois son spectacle à raison de deux représentations par jour. Enfin la création Eléphant de Bouchra Ouizguen avec des artistes du sud du Maroc.

 

Au titre des grandes compagnies, on attend trois spectacles qui devraient faire date. Le premier avec une des plus admirées des créatrices contemporaines, Anna Teresa de Keersmaeker, qui viendra avec sa dernière création Mystery Sonatas / for Rosa construite sur une musique classique de Biber, de quoi faire penser à son long travail sur Bach. La seconde n’a jamais été invitée au festival. Le Danish Dance Theatre, accompagnée du Royal Danish Opera, va faire son entrée au Corum avec une chorégraphie de son directeur Pontus Lidberg. La compagnie s’attaque à l’œuvre du couple Bertold Brecht / Kurt Weill, Les Sept péchés capitaux, créée en Allemagne l’année de la prise de pouvoir par Hitler. Enfin, la compagnie Cullberg, une des plus anciennes compagnies européennes de danse contemporaine, fondée en 1967 par la suédoise Birgit Cullberg, qui fut invitée deux fois dans la cité languedocienne. Son artiste actuellement associé, Jefta van Dinther, présente avec la compagnie On Earth I’m Done : Moutains / Islands. Lui était présent il y a trois ans.

Autre invité de ce festival qui aime les institutions chorégraphiques françaises et les invite tour à tour, Noé Soulier, qui dirige le Cndc d’Angers et présentera First Memory, une pièce écrite pour sept danseurs.

 

Vingt créations sur les vingt-cinq spectacles. Comprenant qu’on ne maîtrise ni le monde, ni sa compréhension, ni soi-même, Nacera Belaza explique « travailler depuis plusieurs années sur le lâcher prise et, dans ce lâcher prise, sur la chute qui produit des choses qui me fascinent ». Cela donne L’affût (titre provisoire), qui sera créé au festival. Deux pièces récentes sont également programmées, L’Onde et Le Cercle.

Notons encore, dans cette édition, qui compte vingt créations mondiales ou françaises sur les vingt-cinq spectacles proposés en soixante-dix présentations, Uirapuru, la création du Brésilien Marcelo Evelin qui travaille à Teresina, et celle de son compatriote Pol Pi sur un quatuor à cordes de Chostakovitch. Et la présence toujours appréciée d’un habitué de Montpellier, Emanuel Gat, la pièce Empire of Flora de Michèle Murray et Danseuse de Muriel Boulay notamment sur des musiques de Chopin et Berlioz.

 

Deux hommages seront enfin rendus. Au dramaturge et chorégraphe allemand Raimund Hoghe, décédé l’an dernier, qui créa la plupart de ses pièces à Montpellier. Et au fondateur, avec Georges Frêche, d’un festival qui a gagné aujourd’hui l’une des premières places d’Europe pour la danse contemporaine, Dominique Bagouet. L’ensemble chorégraphique du Conservatoire national de Paris reprendra son ultime création, Necesito, écrite sur la fin de Grenade lorsque le dernier roi maure livra sa splendide ville aux chrétiens plutôt que de la voir détruite. Sous la direction de Rita Cioffi, qui travailla avec Bagouet, cette pièce assurera, le 3 juillet, la clôture du festival.

L’Ukraine ne pouvait bien sûr pas être absente de la pensée montpelliéraine. Le chorégraphe Viktor Ruban, qui a travaillé il y a dix ans dans la ville avec Mathilde Monnier et dirige aujourd’hui le festival de danse de Kiev, a décidé de rester dans son pays attaqué, dans sa ville assiégée. Il lance un appel au soutien sur le site de l’Ukrainian Emergency Performing Arts Fund.

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