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Montpellier-Danse : Saburo Teshigawara au sommet

par Jacques Moulins
"Voice of Desert", création mondiale de Saburo Teshigawara pour Montpellier Danse © Mariko Miura
Arts vivants Danse Publié le 24/06/2024
Avec "Voice of Désert", création mondiale le 22 juin au Festival Montpellier Danse, Saburo Teshigawara, poète de la scène et du corps, porte haut la danse contemporaine. Il est l’un des chorégraphes mondiaux qui marquent leur temps comme la culture de leur pays, pour lui le Japon. Une véritable merveille.

La danse est théâtre, musique, poésie, lumière… Les genres se mélangent mais la dose d’ingrédients y fait beaucoup. Saburo Teshigawara, qui a créé sa dernière pièce Voice of Désert au Festival Montpellier Danse, est un poète. Un poète exigeant qui dédaigne les rimes pauvres et les métaphores hasardeuses. Un poète qui a construit dans le temps sa métrique, les éléments de son vocabulaire, sa grammaire personnelle. Il signe « un vocabulaire spécifique pour la danse » qui parle de « fondre, d’écrasement, d’évanescence… ».

Raconter une histoire, ou tout simplement en évoquer une par sa chorégraphie, n’est pas dans ses projets. Ce qui l’intéresse, c’est « la déconnexion entre le corps et l’esprit » et cette déconnexion implique l’incomplétude. Celle du geste, celle de la scène, celle de la pièce. De là naît la poésie, le moment fragile et ambitieux où l’âme se trouve impliquée par un geste inattendu.

Comme tout poète, son inspiration n’est pas programmée, ne suit pas de plan. La vie quotidienne, la vie artistique, l’atmosphère, le bruit d’un jour particulier qui lui revient en mémoire peuvent être autant de sources à sa chorégraphie.

 

La lumière, que Saburo Teshigawara compose lui-même, strie le plateau du Théâtre de l’Agora en bandes verticales qui changent d’intensité avec les scènes. Un danseur et deux danseuses l’occupent. Le premier, interprété par le chorégraphe japonais, s’exprime en gestes saccadés, à la fois précis et incertains, des gestes qui doutent, qui interrogent, qui souffrent et se plaignent parfois par le poignet cassé, la bouche ouverte, alors qu’en fond de scène une danseuse (Key Miyata, cofondatrice de la compagnie Karas) est contrainte par une ligne horizontale où elle déploie lentement sa mélopée muette. L’autre danseuse, Rihoko Sato également collaboratrice artistique du maître, a plus d’arabesques dans sa gestuelle, notamment lorsque les instruments à cordes raisonnent dans la salle. Avec, à la fois, la grâce d’un papillon qui se déploie et la détermination d’une maturité assumée. Sans cependant cette mise en danger du corps, cette course au bord du précipice qui a marqué tant d’œuvres de Saburo Teshigawara.

Deux autres danseuses vont traverser la chorégraphie d’une frénésie soudaine, fendant la scène, échevelées. Leurs déplacements créent une envie de rythmes qui se résoudra par un long et fabuleux pas de deux fortement cadencé où le plateau frappé des pieds tient lieu de percussion.

 

Chorégraphe, metteur en scène, costumier, inventeur de lumières, Saburo Teshigawara maîtrise l’intégralité de sa création qui s’ouvre sur le bruit du vent et s’achève avec celui de l’orage, les éclairs envahissant tout l’espace sonore. Avec sa compagnie Karas, qu’il a fondée en 1985 à Tokyo, il a parcouru les scènes du monde, de l’Opéra de Paris à la Fenice de Venise, de Francfort à New-York, en passant bien entendu par le théâtre de Nagoya dont il est directeur artistique. Voice of Desert y serait la bienvenue.

 

 

Voice of Desert de Saburo Teshigawara. Création mondiale pour le Festival Montpellier Danse. Avec Saburo Teshigawara, Rihoko Sato, Key Miyata, Rika Kato et Izumi Komoda. Théâtre de l’Agora du 22 au 24 juin.

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