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Mortelle Erreur de frappe à la sécu de Pointe-à-Pitre

par Pierre Magnetto
François-Xavier Guillerm auteur également de Le sang des nègres, un essai historique sur la répression sanglante d’une manifestation ouvrière et de Indépendance créole, un essai sur l’indépendantisme aux Antilles. © DR
François-Xavier Guillerm auteur également de Le sang des nègres, un essai historique sur la répression sanglante d’une manifestation ouvrière et de Indépendance créole, un essai sur l’indépendantisme aux Antilles. © DR
Un corps sans vie sur la plage nudiste © Caraïbéditions
Un corps sans vie sur la plage nudiste © Caraïbéditions
Livre Roman Publié le 14/01/2020
Journaliste à France Antilles, François-Xavier Guillerm signe avec Erreur de frappe un polar plongeant le lecteur dans les méandres de l’administration de la sécurité sociale guadeloupéenne, un trait un peu forcé pour mieux évoquer une société antillaise complexe sous tension.

Quand elle atterrit à Pointe-à-Pitre en provenance de la métropole Valérie est enceinte jusqu’au yeux. Une de ses premières démarches, sera d’aller se signaler à la caisse locale de la sécurité sociale pour y mettre à jour son dossier. Et là, consternation, elle s’entend dire que le métier d’intermittente du spectacle qu’elle exerce, ça n’existe pas en Guadeloupe, donc pas de droits, pas d’alloc’… Il lui faudra de longs mois et quelques poussées d’adrénaline pour obtenir gain de cause. Entre temps François-Xavier, son compagnon qui vient tout juste d’être recruté à la rédaction du quotidien régional France Antilles, se lance dans l’écriture d’un polar vengeur, stigmatisant l’administration guadeloupéenne, allant jusqu’à faire assassiner la cheffe de la caisse locale de la sécu. Une fiction qui ne fait pas avancer le dossier, mais qui calme les nerfs.

 

Le manuscrit exhumé Nous sommes en 1996, depuis le manuscrit attendait son heure au fond d’un tiroir. Ce n’est pas qu’il ait la rancune tenace mais lorsqu’il y a deux ans le responsable de Caraïbéditons lui demande, « tu ne te sentirais pas d’écrire un polar qui se déroule aux Antilles », François-Xavier Guillerm n’a qu’un geste à faire pour ouvrir le tiroir de son bureau et tendre à son interlocuteur la liasse sur laquelle est couché son récit. En novembre dernier, près d’un quart de siècle plus tard, paraît Erreur de frappe. « Ce n’est plus tout à fait le texte d’origine, l’éditeur m’a demandé de revoir des passages, d’en rajouter, d’en modifier. Il a fallu aussi que j’actualise, les ordinateurs, les téléphones portables, ce n’était pas comme aujourd’hui à l’époque ».

 

Des dossiers en souffrance Au point de départ du roman, des graffitis, des alertes à la bombe récurrentes viennent perturber sans trop les angoisser quand même, la cheffe d’agence et son second. Les deux seuls agents de l’antenne de Saint-François sont davantage occupés à se donner du bon temps qu’à traiter les dossiers des assurés. Dans la hiérarchie, à Pointe-à-Pitre, la situation inquiète quand même un peu, au point que l’information remonte jusqu’au préfet qui nomme un inspecteur de l’administration pour essayer d’éclaircir les choses. Et le fonctionnaire de découvrir qu’à Saint-François, de manière inexpliquée, de nombreux dossiers sont en souffrance et que les allocataires victimes de retards de paiement de plusieurs mois le sont tout autant, certains particulièrement remontés. Au cœur du roman, le corps sans vie de la cheffe de la sécurité sociale est retrouvé dans les rochers bordant une plage naturiste. Elle a été assassinée. Dès lors, l’enquête administrative se mue en enquête criminelle confiée à la gendarmerie.

 

Derrière la carte postale Plusieurs protagonistes participent aux investigations qui, de fausses pistes en rebondissements vont permettre d’élucider ce crime perpétré pour un mobile tout à fait inattendu, qui d’une certaine manière rend le regard sur la nonchalance des fonctionnaires plus indulgent. « Plus on s’approche de la fin, moins l’administration est mise en cause. Au fond, j’ai voulu réhabiliter le service public », confie l’auteur. Si ce cours roman de 180 pages tient son lecteur en haleine de bout en bout, c’est aussi parce qu’il donne à voir un peu de ce qui se cache derrière la carte postale : les grandes plages de sable fin, l’eau turquoise de la mer, les bananiers... les Caraïbes, ce n’est pas si simple ni toujours si joli-joli.

 

Une société bigarrée Erreur de frappe fournit à l’auteur prétexte à une galerie de portraits qui, sans se vouloir une étude sociologique de cet ancien territoire colonial, ultra-marin dit-on aujourd’hui, effleure la complexité des rapports entre les groupes sociaux insulaires, les métros, les afros, les indiens, les indépendantistes, les syndicalistes, les toxicos… Bref, Erreur de frappe c’est aussi en filigrane l’envers du décor d’une société bigarrée et sous tension, mais avec de l’humour et une certaine bienveillance. Il faut dire que pour la plupart, les personnages croisés dans le livre sont inspirés de vrais gens, de chair et d’os, pleins de couleurs, que l’auteur a connu mais à qui il a donné des rôles différents de ceux qu’ils jouent dans la vie. A l’exception notable de Clara Lesueur, une ancienne claudette reconvertie en restauratrice près de la plage, spécialiste des produits de la mer : les poissons, les lambis, les langoustes ou les cigales. Image sympathique, image de carte postale, il en fallait au moins une !

 

Erreur de frappe, François-Xavier Guillerm, Caraïbéditions, novembre 2019.

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