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Mot de passe oublié ?Ce soir-là, le Manège de Reims fait salle comble avec un public bigarré et éclectique. Sont présents des jeunes et des moins jeunes, des connaisseurs et des néophytes, des habitués des salles de spectacles et des curieux pour qui « Näss », titre du spectacle qui signifie « les gens » en arabe, entre en résonnance avec une histoire familiale à la fois intime et partagée.
Et c'est bien à un fabuleux dialogue de cultures qu’on assiste. Il commence avec ces rythmes, ces sonorités de temps immémoriaux qui nous tiennent en haleine presque une heure durant, avec l’impression de faire corps avec les danseurs présents sur scène. Ils sont sept, dos tourné au public au début du spectacle, piétinant au son des percussions en faisant face à un mur. Pas de visages donc pendant de longues minutes pendant lesquelles le spectateur se demande qui sont ces gens. Dans l'attente de pouvoir voir leur visage. Pourtant cette vision n’est pas une réponse, les corps tour à tour s’éloignent et se rejoignent pour questionner l'idée du groupe et celle de l’individualité. Qu’est-ce qui nous rapproche ? Qu’est-ce qui fait notre singularité ? semblent-ils nous demander.
Les mouvements inspirés des danses traditionnelles marocaines reforment l’harmonie du groupe, ressourcent ces individualités et s'acclimatent aux gestes plus acrobatiques du hip-hop. La danse qui nous est offerte, musclée et intense, est emprunte d'une masculinité sensuelle. Elle est à la fois maîtrisée, technique, et animale. Convoquant les génies sur des rythmes gnaouas, elle conduit à la transe.
C’est dans cette connexion aux racines tribales et africaines que Fouad Boussouf trouve, entre autres, son inspiration. Le mot "näss" fait référence au célèbre groupe marocain Nass el Ghiwane (Les gens bohèmes) qui a fait connaître la culture gnaoua dans les années 70, avec le mouvement hippie, et dont une des chansons est diffusée dans le spectacle. Ces textes, poétiques et anticonformistes ont valu aux membres de la formation plusieurs passages en prison, mais ils ont permis l'émergence du rap marocain, porteur de textes engagés, en écho au modèle américain. Des précurseurs du hip-hop en quelque sorte, auxquels le chorégraphe rend hommage et à travers eux à ses racines et aux cultures urbaines qu’il a découvertes et embrassées plus tard.
De ce dialogue esthétique et culturel on sort interpellé et charmé, emporté par l'élan des danseurs vers une dimension universelle qui nous rapproche de nous, les gens.
Näss (les gens), Fouad Boussouf, Cie Massala. Tournée 2018 : 29 novembre, théâtre de Cachan / 30 novembre, l’Embarcadère à Aubervilliers. Tournée 2019 : 29 janvier, théâtre d’Arles / 1er février, théâtre de Brétigny-sur-Orges / 2 avril, Le Safran à Amiens / Du 3 au 5 avril, CDCN pôle sud à Strasbourg / 18 avril, Biennale de la danse du Val-de-Marne / 22 octobre, Saint-Jean-de Védas / 15 novembre, Saint-Rémy-de-Provence / 20 et 21 novembre, Mulhouse / 22 novembre, Les Ulis (Essonne) / 29 et 30 novembre, Saint-Quentin-en-Yvelines.