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« Ne m’abandonne pas », les mots et les maux de l’adolescence

par Véronique Giraud
Extrait du Film « Ne m’abandonne pas » de Xavier Durringer, ici Chama (Lina Elarabi)  et son père (Sami Bouajila) © Scarlett production
Extrait du Film « Ne m’abandonne pas » de Xavier Durringer, ici Chama (Lina Elarabi) et son père (Sami Bouajila) © Scarlett production
Extrait du Film « Ne m’abandonne pas » de Xavier Durringer, ici Chama (Lina Elarabi) et sa mère (Samia Sassi) © Scarlett Productions-France Télévision
Extrait du Film « Ne m’abandonne pas » de Xavier Durringer, ici Chama (Lina Elarabi) et sa mère (Samia Sassi) © Scarlett Productions-France Télévision
Cinéma Téléfilm Publié le 04/02/2016
« Ne m’abandonne pas » de Xavier Durringer a été diffusé hier sur France 2. Exemplaire de la force de la fiction et du récit, sans le pathos trop souvent utilisé pour le genre, ce téléfilm crée un choc nécessaire. Déplaçant le phénomène de l'embrigadement des adolescents pour faire le djihad vers les mots et les gestes de leurs parents, il porte un nouvel écho au difficile débat national. Et démontre que la création peut faire œuvre publique.

Xavier Durringer est un dramaturge essentiel en ces jours où ceux qui font autorité, ou démocratie, peinent à parler aux populations ébranlées par les attentats terroristes et le départ de milliers de très jeunes vers la Syrie. Son téléfilm Ne m’abandonne pas, programmé hier en prime-time sur France 2, a fait parcourir un grand pas à ceux qui ont bien voulu le regarder. Xavier Durringer a choisi de travailler une langue proche des corps et de la rue. Une tentative d’atteindre le vivant adaptée aux situations extrêmes, si on s’en réfère à Ne m’abandonne pas. Ce film, admirablement interprété, touche la famille, plus précisément les parents de ces adolescents prêts à partir en Syrie aujourd'hui. Si la forme n’est en rien celle d’un documentaire mais d'une fiction haletante, la construction même des personnages et des situations est intelligemment documentée. Confirmée en tout cas par les gens de terrain, spécialistes, observateurs, responsables d’association et politiques. Tous font le constat que les parents sont les premiers - et pour un long moment, seuls - exposés à ce drame. Seuls à ne pouvoir agir, ou seuls à se désespérer de n’avoir pas vu partir la chair de leur chair. Juste confrontés à leur incompréhension d’une courte missive ou d’un SMS. L'autre élément clé du film, c'est le choix de l'ado, une jeune fille plutôt qu’un garçon. Chama, magnifiquement incarnée par Lina Elarabi, qu’on voit dès le début du film passer avec brio son oral à Sciences Po puis se couvrir d’un voile pour aller se marier via Internet avec un ami enrôlé en Syrie. Là aussi, le choix est juste en regard de la réalité dont l'un des phénomènes est que ces départs sont le fait de jeunes filles de plus en plus nombreuses. Elles représentent aujourd’hui un tiers des effectifs des départs de France.

La fiction rejoint donc ici une réalité d’autant plus forte qu’elle n’est pas complètement comprise, donc exprimée, dans la sphère publique. Et ce qu'ici la fiction exprime c’est l’incroyable force, mentale et d’amour, violente et douce, qu’il faut aux parents pour tenter de convaincre son enfant de ne pas partir. S’il est une chose que ce film enseigne c’est bien celle-là. Bien loin du discours dominant qui attise l’exclusion et nourrit la formation de deux camps, celui des Français et celui des partants pour le djihad. Ici, rien n’est rationnel, rien n’est jugé non plus, ce qui est montré c’est juste la beauté vénéneuse de l’adolescence.

 

Bio : né à Paris en 1963, Xavier Durringer dirige de 1989 à 2005 sa propre compagnie de théâtre, La Lézarde, au sein de laquelle il écrit et met en scène ses pièces. Ses spectacles connaissent rapidement un grand succès et la publication de ses textes permet de nombreuses créations en France. Ses textes, traduits dans plus de trente pays, donnent à son œuvre un écho considérable. Xavier Durringer écrit dans une langue orale, physique, instinctive, qui colle au corps et à l'époque. Depuis 1993, il écrit et réalise également pour le cinéma avec notamment, La Conquête, long-métrage présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2011 ; et pour la télévision, avec la série La Source diffusée sur France 2 en 2013.

Hasard du calendrier, sa pièce « Histoires d'hommes » joue les prolongations jusqu'au 14 février au théâtre Ze Artists. À sa création en 2004, dans une mise en scène de Michel Didym, Judith Magre avait obtenu le Molière de la meilleure actrice.

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