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Opéra Comique : Fidelio libéré(e)

par Jacques Moulins
Arts vivants Opéra Publié le 29/09/2021
Dirigé par Raphaël Pinchon, mis en scène par Cyril Teste, Fidelio s’offre une nouvelle liberté salle Favart, servie pas des voix et un chœur d'une grande beauté. Sous les caméras de surveillance du Collectif MxM.

Pourquoi monter le seul opéra que Beethoven ait jamais écrit ? Un opéra qui lui a valu de la part des meilleurs de ses pairs la réputation de ne pas savoir écrire pour les voix ? Sans doute parce qu’une institution musicale comme l’Opéra Comique ne pouvait laisser passer le deux cent cinquantième anniversaire du maître allemand sans réaction. Sans doute aussi, comme le fait remarquer Raphaël Pinchon qui en dirige la partition, parce que Fidelio entre facilement dans le répertoire de la salle Favart et dans celui de l’ensemble Pygmalion, fondé pour retrouver l'esprit originel de la musique baroque sur instruments d’époque. Sans doute encore parce que Fidelio recèle une modernité qui appelle une mise en scène créative, cette fois confiée à Cyril Teste et son collectif MxM. Autant d’arguments donnant envie de tenter une production, dont la première s’est tenue le 25 septembre à l’Opéra Comique.

L’ouverture de l’opéra est souvent jouée, mais Fidelio se fait rare avec sa partition exigeante pour laquelle Beethoven a multiplié les morceaux et les audaces, que l’interprétation de Raphaël Pinchon a su restituer. L’opéra, il faut le dire, est le fruit d’un long travail.

 

Trois versions. Répondant à une commande du Theater an der Wien, Beethoven donnera trois versions de son opéra, dont la première en 1806 devant un parterre d’officiers de Napoléon qui vient de conquérir la capitale impériale. Le compositeur sera si peu satisfait de son travail qu'il écrivit à Georg Friedrich Treitschke, librettiste de la troisième version de 1814 : « J’ai lu avec un bien vif intérêt les excellentes modifications que vous avez introduites dans mon opéra. C’est à moi maintenant de relever ces ruines d’un vieux château écroulé ». C’est dire si Beethoven se sentait tenu par cette intrigue et déçu de ne pas l’avoir composée avec excellence.

Celles et ceux qui ont pu suivre, l’an dernier, la production à Vienne de la version de 1806, « ruines » diffusées en vidéo pour cause de covid, ont perçu l'efficacité de celle de 1814. Reste que le défi était de taille pour un Opéra Comique qui ne l’avait jamais relevé.

 

Homme de théâtre, Cyril Teste s’est affronté à un livret d’opéra par essence court, répétitif et schématique. L’argument est simple : pour secourir son mari Florestan, enfermé depuis deux ans au secret dans les pires conditions, son épouse Léonore va se travestir en un homme du nom de Fidelio, se faire embaucher comme gardien et mettre à bas le complot de Pizzaro contre son mari. Cyril Teste a fait le choix de privilégier un thème et un seul, la liberté. Liberté pour laquelle Florestan s’est battu contre la tyrannie, liberté que réclame le chœur des prisonniers, liberté qui anime son épouse osant la folle tentative de délivrer son mari. Et liberté que prend Léonore de transgresser les lois les plus anciennes interdisant à son sexe de se prendre pour Fidelio.

Pour mettre les arguments de second plan (la condition carcérale, la haine de Pizzaro, l’amour de la fille du geôlier pour Fidelio) au service du thème principal, Cyril Teste s’est appuyé sur le décor et sur son atout majeur : la démultiplication de l’acte scénique par deux caméras retransmettant en direct le jeu des acteurs. Dès l’ouverture, les six écrans horizontaux, qui se joignent ou s’éloignent selon le sens recherché, proposent divers éclairages sur l’action en train de se jouer. Des gros plans appuient les sentiments des personnages, des images pré-enregistrées perturbent l’unité de temps, le mouvement de la caméra, portée au moment le plus fort du drame par Fidelio, crée une distance qui souligne la sensibilité romantique de l’œuvre que le metteur en scène a enfermée dans l’univers carcéral américain. La dramaturgie y perd parfois en intensité malgré les magnifiques quartos composés par Beethoven.

 

Siobhan Stag en play-back. Tristesse en ce 27 septembre, Siobhan Stag, indisposée par une mauvaise maladie, a interprété Fidelio, mais a abandonné le chant à la soprano Jacquelyn Wagner qui se tenait dans la fosse. Les spectateurs n’ont pas été déçus par la distribution des voix, que l’acoustique de la salle Favart a bien servies. Le baryton Albert Dohmen, la soprano Mari Eriksmoen, le ténor Michael Spyres et la basse Gabor Bretz seront toujours les bienvenus à Paris.

Le quatuor, chanté par des acteurs statiques et alignés, est de toute beauté. Une mise en scène sans doute plus rodée sera retransmise en direct sur Arte le 1er octobre.

 

Fidelio, opéra en deux actes de Ludwig van Beethoven. Les 25, 27, 29 septembre, 1er et 3 octobre à l’Opéra Comique. Direction musicale : Raphaël Pinchon avec le chœur et orchestre Pygmalion. Mise en scène : Cyril Teste. Décors : Valérie Grall. Avec : Siobhan Stag, Michael Spyres, Mari Eriksmoen, Albert Dohmen, Gabor Bretz, Christian Immler, Linard Vrielink. Co-production de l’Opéra Comique, des opéras de Nice et de Dijon, et du Collectif MxM.

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