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Mot de passe oublié ?Né à Dakar le 10 octobre 1935, Ousmane Sow a traversé le XXe siècle de sa haute stature. Dès l’âge de 7 ans, entré à l’École française, il réalise ses premières sculptures. À dix ans, il sculpte des blocs de calcaire trouvés sur les plages. L’homme, qui a quitté le Sénégal à 21 ans pour Paris, à l’instar de jeunes Dakarois, renvoie de la France une image que nous ne devons pas oublier : « Je n’ai pas souffert du racisme, la générosité des gens était extraordinaire. » De 1957 à 1961, il vit de petits boulots et abandonne provisoirement la sculpture pour achever ses études d’infirmier, l’année où le Sénégal acquiert son indépendance. Il opte pour la nationalité sénégalaise et sera le premier kinésithérapeute de son pays. Sa formation en anatomie et la pratique de son métier alimenteront une profonde réflexion sur le corps humain. Revendiquant enfin le statut d’artiste, il participe au premier festival mondial des Arts nègres en 1966, où il présente un bas-relief. Après quelques années à Paris, il revient définitivement au Sénégal en 1978 où il consacre peu à peu sa vie à l’art de sculpter les corps. Une expression qu’il accomplira tout au long de sa vie, et exclusivement à partir de 1988. Une esthétique qui lui vaudra une reconnaissance internationale et d’être exposé un peu partout dans le monde. Le 11 décembre 2013, il est le premier artiste noir à entrer à l’Académie des beaux-arts, au fauteuil du peintre américain Andrew Wyeth, le second sous la Coupole depuis l’entrée de Léopold Sédar Senghor à l’Académie française. « Mon élection a d'autant plus de valeur à mes yeux que vous avez toujours eu la sagesse de ne pas instaurer de quota racial, ethnique ou religieux pour être admis parmi vous », avait-il dit dans son discours de remerciement.
Ses premières sculptures ont disparu, dégradées ou données. « Au fil du temps et de la création, il s'est colleté avec la matière. Il a fini par inventer son propre matériau, hétéroclite, original, qui lui servira aussi bien pour ses statues que pour les carreaux de couleur qui forment le sol de tous les étages de la maison qu'il s'est construite au bord de la mer, à Dakar. Sur cette matière, on l'a beaucoup questionné. Il n'a pas l'intention d'en parler. Qu'on puisse se focaliser sur cette question le contrarie. On se contentera donc de l'essentiel : l'oeuvre d'Ousmane, c'est de l'esprit et de la matière », écrivait Jacques A. Bertrand en mai 2006 à propos de l’œuvre d’Ousmane Sow.
Des Petits Nouba au Paysan géant. Son œuvre monumentale, reconnaissable entre toutes, débute en 1984 par la réalisation de ses Petits Nouba. C’est par les photographies de George Rodger (1908-1995) qu’Ousmane Sow découvre le magnifique peuple des Nouba, groupes ethniques du Soudan. Révolté d’apprendre qu’on veut les exterminer, il les fera exister par la sculpture. Fabriquées de bronze ou de pâte spéciale dont seul l’artiste connaît le secret, les figurines (de 50 à 70 cm) font penser à des êtres dont les corps ont été façonnés par la terre. D’une surface rugueuse et granulaire, elles sont dotées de membres légèrement démesurés et adoptent des attitudes de danseurs. En 1988, ce sont les Massaï, bergers nomades vivant au sud du Kenya et au nord de la Tanzanie. Ils demeurent l’une des rares ethnies guerrières d’Afrique à n’avoir pas renoncé à ses traditions. En 1991, il sculpte sa série des Zoulou, guerriers conquérants d’Afrique du Sud, puis en 1993 les Peulh, une ethnie qui tend à se disperser. Sa première urgence artistique est de montrer au monde, à une échelle surdimensionnée et dans une matière dont il a le secret, des peuples d’Afrique qui inspirent peu de curiosité. Il nous impose leurs corps et leurs noms.
Suivent les séries Les Égyptiens, Little Big Horn et ses 35 pièces, ou encore Merci, monumentales effigies des grands hommes qui marquèrent sa vie. Sa dernière création date de 2013. Intitulée Le Paysan, la sculpture haute de cinq mètres est une commande de la Présidence de la République du Sénégal et de l’Agence de la Francophonie. Elle devrait être installée en bronze devant le centre international de conférence Adbou Diouf à Diamnadio, non loin de Dakar.
Ces œuvres de mémoire peuplent aujourd’hui les musées et les places du monde. Ousmane Sow lui s’en est allé de ce monde le 1er décembre 2016.
« Ousmane Sow », monographie de
Béatrice Soulé (2006, Actes Sud). « Le soleil en face », film réalisé par Béatrice Soulé autour de la création de Little Big Horn et des expositions de Dakar et du Pont des Arts. Prix du meilleur reportage au Festival International du Film sur l’Art de Montréal.