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Printemps de Bourges : la chanson française se renouvelle

par Véronique Giraud
Le Printemps de Bourges, le plus ancien des festivals de la chanson, affiche une belle vitalité. © Christian Penin
Le Printemps de Bourges, le plus ancien des festivals de la chanson, affiche une belle vitalité. © Christian Penin
Musique Chanson Publié le 28/05/2014
Art populaire par excellence, la chanson se renouvelle avec les générations. Ses interprètes s’appellent Stromaë, Jeanne Cherhal ou autre Fauve. Le Printemps de Bourges 2015, qui s’ouvre le 22 avril, est leur porte voix.

L’art de raconter une histoire, l’art de la métrique… il en faut du talent pour séduire les oreilles, se faire entendre sur toutes les lèvres. Depuis le XVIIIe siècle, la chanson est un art populaire par excellence. La radio puis la télévision l’ont transformée. La révolution numérique a multiplié sa diffusion, aujourd’hui un succès s’emporte en quelques semaines et naît hors des circuits commerciaux.

Mais qu’ils aient été découverts sur les plateaux de Star Academy, Nouvelle Star ou The Voice, qu’ils aient commencé dans la rue ou le métro, qu’ils se soient lancés directement sur le web, auteurs et interprètes reflètent toujours une génération. Et le Printemps de Bourges, le plus ancien des festivals de la chanson, programment les plus talentueux d’entre eux. Pour sa première, en 1977, Dick Annegarn, Julios Beaucarne, François Béranger, Jacques Higelin, Bernard Lavilliers ou le groupe Au Bonheur des Dames faisaient l’affiche. Aujourd’hui, entre 22 et 27 avril, ils s’appellent Stromaë, Jeanne Cherhal, Fauve, Feu ! Chatterton, S-Crew…

 

« Ceux qu’on choisit par défaut »

Rien n’a changé ? Si : les majors de l’industrie du disque n’ont plus le même poids, Internet a élargi l’horizon. Comme l’a prouvé Indila, révélation de début d’année, dont le clip Dernière Danse a été vu plus de 20 millions de fois sur les réseaux sociaux avant même que sorte le premier album de cette auteure et compositrice. Un peu avant, en 2009, le phénomène Stromaë envahissait ondes et écrans avec Alors on danse. Sa ténacité, aidée par un buzz naissant sur internet, lui a ouvert les portes des maisons de disques. Ses textes abordent efficacement les problèmes de société (absence du père, monoparentalité, relation homme/femme, misère...) et sont chantés sur des rythmes entrainants.

Son succès est certes lié à l'image et à la communication, comme en témoigne le clip Formidable où le jeune Belge, soi-disant ivre, est filmé en caméra cachée. Né à travers les réseaux sociaux et le partage vidéo, Stromaë a su tirer profit millimétré, calculé, du buzz jusqu’à la consécration de son album aux Victoires de la musique 2014. Son succès n’est pas que public. Alors que depuis douze ans, le marché du disque accusait une courbe descendante, perdant plus de la moitié de sa valeur, l’année 2013 affiche une hausse de 2,3% (numérique et physique confondus). En vendant 1,1 million d’albums entre août et décembre, le chanteur belge a permis l’inversion de la courbe des ventes.

Mais par dessus toutes les récupérations possibles, la description directe et franche de la réalité, la dénonciation des politiciens et des commerçants qui promettent sans jamais changer, la confiance en sa génération impriment la marque d’une jeunesse, celle d’aujourd’hui. Bien que, comme le chante Fauve « nous sommes de ceux qu’on choisit par défaut ». Prise entre l’extraordinaire créativité née de la révolution numérique et la sombre perspective d’un emploi détruit par cette même révolution, la jeunesse réagit à coups de Stromaë, de Fauve ou de Jeanne Cherhal.

 

Du slam au spoken word

La chanson est souvent la forme la plus courte pour dire sa colère, sa douleur. Après le blues, le rap et le slam ont ouvert une nouvelle voie à des figures reconnues davantage pour leur énergie que leur tessiture. Comme en témoignent Grands corps malade et, désormais, Fauve. Le « collectif à géométrie variable », né en 2010, mêle à la musique des textes bruts et un univers graphique simple mais léché, où la réalité et la pesanteur sociale sont décortiquées et exposées dans leur plus simple appareil. Au carrefour du rap, du hip-hop, de la chanson, de l'électro et du rock, Fauve est adepte d’une prose vécue, parlée, criée, jetée, sur des morceaux tantôt suaves et sensuels tantôt stricts et durs. Fauve est né d'un malaise - son nom fait allusion au film de Cyril Collard - sa musique cherche à bousculer, à frapper. Beaucoup de jeunes se retrouvent dans les textes et l'univers musical que leurs auteurs qualifient de « spoken word », forme de poésie orale proche du slam. Une poésie fatale qui a émergé en peu de temps : une première vidéo postée sur youtube, un mois plus tard le phénomène était lancé, suivi par des dizaines de milliers de personnes. Peu de temps après, un premier album et des centaines de concerts, très vite complets.

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