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Quand les artistes explorent « Le temps qu’il nous faut »

par Véronique Giraud
Arts visuels Arts plastiques Publié le 03/10/2023
Le MAIF Social Club nous propose de prendre du temps pour examiner cette notion après laquelle nous courons, qui nous échappe et nous interroge, pour faire l’éloge de la lenteur. Douze artistes donnent au temps ses couleurs, ses formes, ses espaces, ses dimensions. Leurs créations ouvrent un parallèle aux réflexions sociologiques et philosophiques.

Demain, hier, aujourd’hui, le temps guide nos pas et nos vies. En mouvement ou suspendu, le phénomène interroge et inspire l’humain depuis toujours dans ses faits et gestes. Nombre de concepts philosophiques ont été élaborés pour tenter de l’expliquer, lui donner un sens, et les artistes ont toujours contribué à sa représentation. En ce XXIe siècle, la notion du temps résonne de nos connaissances comme de nos interrogations. À l’écoute de ses sociétaires, le MAIF Social Club a ouvert ses espaces à une palette de représentations du temps, répartie en quatre temps, en quatre dimensions, et avec force symboles. Douze artistes, comme autant d’heures gravées sur nos montres et horloges, ont été sélectionnés par la curatrice Anne Sophie Bérard. Leurs œuvres forment un parcours en quatre temps : Alors on danse, La complainte du progrès, C’est comment qu’on freine ?, . Ces messages, imprimés sur un oreiller douillet, introduisent la lecture.

 

Les vertus de la lenteur. Le temps de l’enfance s’est glissé dans les postures lascives des fillettes que Julia Haumont a façonnées en céramique. De son côté, l’artiste Duy Ahn Nhan Duc nous invite à partager la fascination qu’exercent sur lui les végétaux qui nous entourent mais que nous ne regardons plus. Lui prend le temps de les observer avant de les collecter et d’en réaliser des compositions d’une grande poésie. La nature est au cœur des créations de trois autres artistes. Les installations de Michel Blazy rendent perceptible le temps qu’il faut à la nature pour reprendre ses droits, en s’épanouissant dans des objets délaissés, une chaussure, une canette… Le regard que porte Karine Giboulo sur la nature, ouvertement engagé, dénonce avec une esthétique de bande dessinée les défis sociaux et humanitaires de notre époque. Ses dioramas miniatures composent de tout petits mondes inspirés de la culture populaire qui reproduisent l’insouscience morbide de nos modes de vie occidentaux. Après force recherches, Julie c. Fortier est parvenue à traduire les odeurs de la nature, faisant resurgir des moments oubliés d’une grande communion. Autant d’œuvres sur lesquelles l'artiste invite à s'asseoir, à s'allonger, pour faire remonter des souvenirs, réveiller des expériences ensevelies dans chaque mémoire, par la force de l’imaginaire.

 

L'absurdité de nos rythmes frénétiques, la course folle et vaine au gain de temps s’expriment avec l’humour de plusieurs créateurs. On ne peut que sourire devant les « Shindogu » de l’ingénieur et designer japonais Kanji Kawakami. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ses étranges inventions, spécimen uniques, sont de véritables manifestes de résistance politique, économique et poétique : tous ont une fonction, sont utilisables, mais sont résolument inutiles. Ainsi la grenouillère de ménage qui habille un bébé ne sachant pas marcher pour qu’il participe au nettoyage du sol de la maison, la cravate multifonction dont le verso accueille stylos et autres trombonnes. Pensés comme des réponses aux difficultés dérisoires de l’homme, chaque « Shingodu » engage une réflexion sur le consumérisme et le matérialisme de la vie moderne.

C'est le bruit de nos pas qui a inspiré à Pierre Bastien un drôle de ballet. Cinq paires de chaussures, équipées d’un dispositif sonore très sophistiqué et articulées autour de machineries miniatures et fragiles, témoignent du rythme de différents moments de vie, des ballerines sautillantes de l’enfance aux chaussures de marche qu’on imagine arpenter les sommets. Louise Pressager s’est emparée de plusieurs murs du MAIF Social Club pour nous faire sourire, à grande échelle et avec une économie de moyens percutante, de l'impact du temps sur nos vies.

 

L’exposition Le temps qu’il nous faut réconcilie avec la sensation que le temps nous échappe. La notion est ici constitutive de minuscules observations du monde, et invite non pas à embrasser trop grand mais à réduire notre focale sur le tout petit pour mieux prendre conscience des merveilles et des désordres de notre univers.

 

Au MAIF Social Club, rue de Turenne, Paris 12e. Jusqu'au 24 février 2024. Entrée libre.

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