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Mot de passe oublié ?A la fin de Le réveil de la bête, les lecteurs avaient quitté le commandant Deniz Salvère après la mise hors d’état de nuire d’un réseau de hackers lié à l’extrême droite Slovaque. Le chef de la brigade antiterroriste d’Europol et son équipe avaient démantelé La Fabrique, l’infrastructure qui les abritait dans le but de constituer des fichiers de citoyens européens dont les sympathies politiques pouvaient être influencées par des vagues successives de fake news lors des élections. Mais l’officier de police européen restait persuadé que les gros poissons continuaient de nager librement dans les eaux troubles de l’ultra-droite en Europe.
Difficile coopération policière intra-européenne Dans Retour à Berlin, la mort violente des principaux protagonistes de La Fabrique semble lui donner une bonne raison de poursuivre l’enquête en constituant un pôle d’enquêteurs d’Europol spécialement affecté à ce travail et dont le siège va être implanté dans la capitale allemande. Pour tenter d’avancer, Salvère devra à la fois composer avec sa hiérarchie à La Haye, et les systèmes policiers et judiciaires des différents pays de l’UE dans lesquels vont se dérouler les investigations policières. La thèse du flic entêté est celle de l’existence d’une organisation tentaculaire secrète, agissant par dessus les frontières, appuyée par des groupes ultra-violents si nécessaire et ayant mis au point un système de cotisations financières par des entreprises plus ou moins volontaires pour assurer ses importants besoins de financement. Son but, réussir à imposer à la direction des partis d’extrême droite et au pouvoir politique dans leurs pays respectifs, des femmes et des hommes lui ayant prêté allégeance.
Un puzzle difficile à reconstituer Si les policiers du pôle sont amenés à enquêter dans plusieurs pays européens, difficile pour autant de mettre bout à bout les éléments recueillis et encore plus, de les présenter comme preuves irréfutables. C’est à la fois sur un coup de chance et grâce à la clairvoyance de Salvère que toutes les informations pourront être mises en perspective dans un final digne des épilogues des enquêtes d’Hercule Poirot (elles se concluent toujours par la réunion de tous les personnages impliqués pour entendre la vérité). Un final un peu comme un clin d’œil à l’une des précurseures du genre policier. Pour autant le roman de Jacques Moulins ne s’inscrit pas tout à fait dans cette filiation. Le soin mis à dévoiler les ressorts intimes et la psychologie de ses personnages en témoigne ; de même, les analyses historiques et politiques qu’il distille au fil du récit pour mieux appuyer les hypothèses de Salvère.
Berlin ville d’avenir pour l’Europe Enfin, le titre du polar comme celui du siège pour le pôle constitué par Europol ne doit rien au hasard. L’auteur ne se contente pas de dérouler son intrigue. D’évidence il prend plaisir à faire visiter la ville à ses lectrices et lecteurs, à leur dévoiler ses recoins les plus cachés et, à en faire partager une certaine fascination. « Il aspirait à plus d’Europe, là où l’Europe pouvait encore se faire. Pourquoi pas Berlin, ville d’avenir où les loyers étaient bloqués alors qu’ils flambaient dans la capitale française, où la jeunesse du monde entier, les artistes, les affamés de vie, affluaient en masse comme ils l’avait fait jadis à Paris, à Londres, à New York ! »
Retour à Berlin, Jacques Moulins octobre 2021, Gallimard Série noire