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Robin Renucci met les pieds sur le plateau de La Criée avec Oblomov

par Pierre Magnetto
Ilia Ilitch Oblomov interprété par Guillaume Pottier. © Nabi Boutros
Ilia Ilitch Oblomov interprété par Guillaume Pottier. © Nabi Boutros
L’amour de la lumineuse Olga ne parviendra pas à avoir raison de la léthargie d’Oblomov. © Nabi Boutros
L’amour de la lumineuse Olga ne parviendra pas à avoir raison de la léthargie d’Oblomov. © Nabi Boutros
Du 3 au 10 mars, Robin Renucci présentera Phèdre à La Criée, le dernier volet de sa tétralogie consacrée à Racine avec les Tréteaux de France.© Sigrid Colomyès
Du 3 au 10 mars, Robin Renucci présentera Phèdre à La Criée, le dernier volet de sa tétralogie consacrée à Racine avec les Tréteaux de France.© Sigrid Colomyès
Arts vivants Théâtre Publié le 09/01/2023
La représentation de l’adaptation du roman d’Ivan Gontcharov au Théâtre National de Marseille marque l’entrée en scène de Robin Renucci à La Criée dont il a pris la direction en juillet dernier. Macha Makeïeff lui a réservé trois dates pour cette saison, dont une reprise de Phèdre qui clôt son cycle consacré à Racine avec les Tréteaux de France. Ensuite, le directeur lancera sa première saison marseillaise.

Arrivé à la direction de La Criée, Théâtre National de Marseille, en juillet dernier pour succéder à Macha Makeïeff, Robin Renucci a présenté au public marseillais, du 5 au 8 janvier, une de ses anciennes créations, Oblomov. La logique voulait que le nouvel arrivant ne puisse pleinement accéder au plateau du théâtre que la saison suivant son installation, la programmation 2022/2023 ayant été bouclée depuis le printemps. Mais la directrice sur le départ a eu la courtoisie de laisser à son successeur quatre créneaux durant la saison, lui permettant à la fois de présenter son travail et de donner un aperçu de son projet pour le TNM. C’était l’occasion de donner une seconde chance à Oblomov, création mal née puisque, montée en 2020 avec Les Tréteaux de France, elle fut  peu jouée en raison de la crise sanitaire et de la fermeture au public des lieux « non essentiels ».

 

Une adaptation théâtrale difficile. Le roman d’Ivan Gontcharov, publié en 1859, a connu dès sa sortie un succès retentissant auprès de la critique, du public et des pairs de l’écrivain, en particulier Tolstoï et Dostoïevski. Pour autant, l’adaptation au théâtre d’une telle œuvre, un petit pavé de près de 600 pages avec un personnage central tout en introspection et immobilisme, n’était pas chose aisée. Ce travail a été réalisé par l’auteur, metteur en scène et fondateur de la compagnie Franchement, tu Nicolas Kerszenbaum qui, tout en suivant l’organisation du roman, a su lui donner rythme, traits d’humour et intensité dramatique.

 

Un paresseux chronique. Ilia Ilitch Oblomov (Guillaume Pottier) est un jeune aristocrate propriétaire terrien, paresseux et apathique, qui a bien du mal à sortir de sa chambre. Son domaine périclite et ne lui fournit plus de revenus suffisants pour vivre dignement. Oblomov fait le désespoir de son dévoué valet Zakhar (Gérald Chabanier) et de son ami d’enfance Stolz (Valéry Forestier) qui cherche à tout prix à le tirer de sa torpeur. C’est ainsi qu’il fait la connaissance et tombe amoureux d’Olga (Pauline Cheviller). Mais si l’amour semble avoir raison de son oisiveté, cela ne dure qu’un temps et, de nouveau, Oblomov retombe dans sa léthargie contemplative du temps qui passe. Il se rapprochera bien d’Agafia, sa logeuse (Lisa Toromanian), en s’abandonnant à quelques tâches domestiques. Mais il ne peut renoncer à sa posture d’homme incapable de toute entreprise alors que son monde s’écroule. Le texte contemporain offre un récit ciselé en quatre actes, comme autant de saisons qu'il y a dans une année ou dans la vie d'Oblomov. Le personnage, toujours, se réfugie dans les rêveries d’une enfance que vient faire résonner un conte fantastique, le conte du brochet, présent dans le roman, que le metteur en scène choisit de dérouler par extraits pour marquer le début de chaque acte.

 

Comme  un conte philosophique. Robin Renucci signe ici comme un conte philosophique qui s’inscrit dans l’air du temps. « Nous sommes bombardés d‘injonctions qui nous disent comment et où tuer le temps. Gontcharov nous incite à sortir de la volonté de l’avoir, à cesser de posséder et travailler… Gagner sa vie ? Déjà il faut la vivre ! Cette question traverse notre nouveau cycle sur la reconquête du temps » confie-t-il dans sa note d’intention. L’Oblomov de Renucci interroge l’époque « quand c’est précisément nos boulimies d’activité qui, à la fois, ternissent le monde, et permettent de le transformer ». Laisser-aller, lâcher-prise ou changer le monde ? Là est la question. Le propos est surligné par une interprétation justement posée des comédiens et une performance de Guillaume Pottier, seul personnage constamment en scène et vers lequel convergent tous les regards, ironiques au début, de plus en plus bienveillants au fur et à mesure que se révèlent les failles du personnage. La scénographie, signée Samuel Poncet, pleine de trouvailles, joue sur le volume d’un baldaquin central, des éléments de décor hors champs et sur un jeu d’éclairage qui dilate l’espace ou le rétrécit, deviennent des éléments subliminaux du récit, de même que la partition musicale jouée en direct au violoncelle par la compositrice Amandine Robillard.

 

Un avant-goût de la prochaine saison. Ainsi Robin Renucci s’est donné à voir à Marseille. Le deuxième interstice que lui a réservé Macha Makeïeff se joue du 11 au 14 janvier avec Tendresse, un spectacle avec huit jeunes artistes en scène, fait de danse et de rap, proposé par le dramaturge Kevin Keiss, la comédienne et créatrice de la compagnie Les cambrioleurs Julie Berès, et la metteuse en scène Lisa Guez. L’autrice de romans et de théâtre Alice Zeniter collabore à ce spectacle. Une Alice Zeniter étroitement associée au projet de Robin Renucci pour Marseille, que le public retrouvera régulièrement dans les productions de La Criée. Autre intervention de Robin Renucci, la reprise de Phèdre du 3 au 10 mars. Phèdre, montée l'année dernière, est la dernière création de la tétralogie du metteur en scène consacrée à Racine avec Les Tréteaux. En juin, du 15 au 17, viendra L'enfance de l'oeuvre. Seul en scène avec le pianiste Nicolas Stavy, il se demande, à travers des lectures de Romain Gary, d'Arthur Rimbaud ou encore de Paul Valéry, ce qui dans l'enfance forge l'inspiration et amène à la création. Après cela, viendra le temps pour le directeur du théâtre de présenter sa programmation pour 2023-2024 et sa nouvelle création qui ouvrira la prochaine saison.

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Du 3 au 10 mars, Robin Renucci présentera Phèdre à La Criée, le dernier volet de sa tétralogie consacrée à Racine avec les Tréteaux de France.© Sigrid Colomyès
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