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« Rupture » : des instants furtifs du temps qui passe

par Pierre Magnetto
H14 © Antoine Guilhem-Ducleon
H14 © Antoine Guilhem-Ducleon
Les Floralies © Antoine Guilhem-Ducleon
Les Floralies © Antoine Guilhem-Ducleon
Nature mourrante 1 © Jean-Louis Rullaud
Nature mourrante 1 © Jean-Louis Rullaud
Nature mourante 2 © Jean-Louis Rullaud
Nature mourante 2 © Jean-Louis Rullaud
Arts visuels Photographie Publié le 17/05/2018
Deux photographes ont réalisé en parallèle un travail interrogeant le passage du temps, l'un mêlant architecture et végétal, l'autre évoquant la lente mais inévitable dégradation de la matière vivante.  Au-delà de sa dimension esthétique, leur production présentée à la galerie Mémoire de l'avenir à Paris, apparaît comme une vision métaphorique de la condition et des réalisations humaines, une allégorie pour rappeler à chacun, à la manière d'un memento mori, qu'il est mortel.

Existe-t-il un avant, un après, un endroit où placer le curseur pour dire ce que sont les choses et les êtres vivants, ce qu’ils ont été et ce qu’ils deviendront ? Difficile interrogation sur laquelle se sont penchés deux photographes bordelais, Antoine Guilhem-Ducléon et Jean-Louis Rullaud. Les clichés résultant de leur travail sont rassemblés dans l’exposition Rupture, un espace temps, et exposés à la galerie Mémoire de l’avenir à Paris jusqu’au 9 juin. « Je voulais ressortir des photos réalisées à la fin des années 90 sur le hangar 14 du quai des Chartrons à Bordeaux qui faisait l’objet d’une démolition partielle pour être transformé en lieu d’expositions. Une impression végétale se dégage de ces photos. Je savais que de son côté Jean-Louis travaillait sur le thème du végétal et c’est à partir de son travail que j’ai commencé à réfléchir à la suite, à vouloir retrouver cette sensation. Nous avions la volonté de monter un projet en commun, et c’est le thème de la rupture qui unit nos travaux respectifs », explique Antoine Guilhem-Ducléon.

Le vivant inscrit dans un espace-temps. Les deux photographes signent un bref manifeste pour mieux expliquer leur démarche, leur idée de la rupture : « être à la rupture des choses, considérer celle-ci comme un espace, une durée, un laps de temps concret ou se produisent des événements, des bouleversements de formes, des transformations biologiques, des métamorphoses.
 Visualiser ce temps, de la vie vers une autre vie, d’une construction à une déconstruction puis à nouveau une construction.
 Témoigner de l’avenir d’un fruit mûr tombé de l’arbre, d’un poisson sorti des eaux, d’un ensemble de logements vidé de ses habitants. Nos matières sont la nature, le béton, l’acier, les fruits, la viande. »

Trois idées de la relation architecture-nature. C’est ainsi qu’Antoine Guilhem-Ducléon présente trois séries de photographies. Sur la première, celle du hangar, la structure en béton qui recouvrait le bâtiment a été démolie, mais des blocs de béton restent accrochés sur les tiges de fer de l’armature, suspendues au-dessus du sol comme de gros fruits aux branches d’un arbre. Les photographies ont été prises en argentique, avec une chambre Linhof qui donne une grande définition aux tirages sur grand format. La deuxième série a été réalisée en 2014 et 2015 aux Floralies, une cité construite dans les années 1970 à Romanville, près de Toulouse, vidée de ses habitants depuis une dizaine d'années. Coursives, passerelles, montées d’escalier, le lieu est désertique, mais le végétal, arbres, arbustes, haies autrefois entretenus, gagne du terrain, commence à pénétrer dans les immeubles, mange les lampadaires. Dans la troisième série, la plus récente, l’architecture est moderne et le végétal luxuriant, abondant, verdoyant, se reflète à travers une vitre et s’intègre à l’habitat. Trois séries, trois visions différentes de la relation entre architecture et nature, mais des moments arrêtés, posés, qui définissent un instant inscrit dans un processus en marche. « Ces photos isolent un moment furtif. Elles semblent être dans l’attente de quelque chose, comme si le temps était suspendu », poursuit le photographe.

Des natures mourantes comme des memento mori. Son comparse, lui, a travaillé sur des « natures mourantes ». Des fruits, des légumes, des produits alimentaires en cours de putréfaction, interrogeant les changements d’état de la matière vivante quand les natures mortes, elles, proposent des matériaux frais, reluisants, appétissants. Mais dans ses prises de vue Jean-Louis Rullaud propose une esthétique contrastant avec l’état de décomposition des objets de son sujet. Dans une seconde série des ses natures mourantes, il a également photographié des sous-bois, les a retravaillé par la couleur transformant les paysages en une nature inquiétante. « Dans la perception humaine, le temps et l’espace ont toujours tendance à être dissociés, le temps à être perçu seulement comme un concept qui n’a pas de réalité physique, menant la vie à ses décompositions matérielles et immatérielles », analyse Margalit Berriet fondatrice de la galerie et de l’association Mémoire de l’avenir. « Jean-Louis Rullaud et Antoine Guilhem-Ducléon intègrent dans leur travail l’équation « temps » sous ses différents aspects : le temps qui passe, le temps passé, le temps futur mettant en parallèle les variations des états de la matière vivante, l’Homme et son environnement, l’Homme et son habitat. »

Rupture, un espace temps, exposition de photographies d’Antoine Guilhem-Ducléon et de Jean-Louis Rullaud à la galerie Mémoire de l’avenir, jusqu’au 9 juin, 45-47 rue Ramponeau, Paris 20e.

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