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Salia Sanou : « profiter de ce répit pour nourrir des projets »

par Véronique Giraud
Salia Sanou ©Marc Coudrais
Salia Sanou ©Marc Coudrais
Arts vivants Danse Publié le 01/04/2020
Le confinement a surpris Salia Sanou en pleine tournée, répétitions et projets. C'est le cas de la plupart des artistes de théâtre, de danse, de cirque… L'art vivant est mis à l'arrêt. La situation engendre des adaptations, une grande solidarité, et plusieurs sujets de réflexion. Entretien avec le chorégraphe.

Lorsque la population a du se confiner, où en étiez-vous ?

J’ai terminé la première phase de répétition le 22 février avec le Ballet du Capitole de Toulouse pour la création qui m'a été commandée, je m’apprêtais à entamer un projet participatif à Brive avec une centaine de danseuses et danseurs amateurs, et puis nous étions en pleine tournée de Multiple-s avec Germaine Acogny et Nancy Huston. Tout ça tombe à l’eau.

 

Quelles modifications se sont imposées ?

Plusieurs lieux m’ont tout de suite appelé pour voir les possibilités de report, d’autres pour annuler. Les directeurs de théâtre sont solidaires, ils paient le coût des plateaux pour les artistes intermittents, ils prennent aussi en charge les dépenses déjà engagées par les compagnies. C’est une belle reconnaissance. Une solidarité se joue au niveau de la profession, des lieux qui peuvent honorer leurs contrats en payant les artistes. C’est un grand soulagement pour beaucoup d’entre nous qui sommes à l’arrêt pour quatre mois.

 

Comment vivez-vous la situation ?

Quand tu découvres tout ça un matin, c’est un choc. Tu travailles deux ans sur un projet qui, tout à coup, ne se fait plus. Les théâtres qui programment mettent un temps fou pour coordonner tout ça. Après, il faut remonter, rebondir. Prendre tout ça avec calme et sérénité. Je vis ce moment de confinement en me ressourçant, réfléchir à tout ça, lire, écrire, penser aux projets à venir. Ce temps, tu ne l’as pas d’habitude. Tout le temps sollicité, le moindre petit moment est consacré à la famille. Les temps de repos c’est dans l’avion, ou dans le train.

Je vis ce moment comme un calme qui m’apaise quelque part, me ramène à une certaine réalité, à quelque chose d’essentiel. Propice à la réflexion, à la créativité, aux projets. À prendre de l’énergie pour repartir.

 

Le spectacle du Capitole est-il d’ores et déjà annulé ?

Nous avons échangé avec Kader Belarbi. Pour l’instant, il est maintenu fin juin début juillet. Si, à la dernière minute, les choses s’avèrent impossible, nous prendrons les décisions. Cela nous permet de bien réfléchir au projet, de prendre plus de temps.

 

Si les représentations sont maintenues, vous êtes prêts les danseurs et toi ?

Oui. Nous avons encore trois semaines de répétition en juin. Là, je prépare des éléments que j’envoie par Internet aux danseurs, confinés aux aussi, pour les amener à faire des recherches, à travailler sur des images, sur des partitions musicales. J’essaie d’entretenir un lien avec eux, en ce moment de confinement, par rapport à la création. Ce recul est intéressant.

 

Comment réagissent les danseurs ?

Ils sont contents que je les sollicite. Je vois aussi qu’ils essaient de maintenir leur cadence de danseurs. Ils communiquent par skype et whatsapp pour faire le cours. Ça convoque d’autres façons de faire, d’autres repères.

 

Quelles nouvelles du centre chorégraphique La Termitière au Burkina Faso ?

La Termitière vit aussi un moment de confinement. Les écoles, les marchés, les lieux publics sont fermés au Burkina. Les rassemblements sont interdits. Nous avons cerné le lieu, seule l’administratrice vient, et garde un lien avec les étudiants.

Le Burkina n’échappe pas à la pandémie, il y a des cas mortels comme ici. La tension monte là-bas, c’est une crise sanitaire qui s’ajoute à une crise sécuritaire. La région est en proie aux djihadistes et aux terroristes. Le pays essaie de conjuguer ces problèmes, ce n’est pas évident pour les populations. Les liaisons Internet sont utiles, c’est un moyen d’être solidaire.

 

Quelles réflexions vous inspire cette situation ?

Si le monde écoute, si le monde s’écoute, ça devrait nous amener à changer beaucoup de choses. D’autres façons de faire, de construire l’avenir. Pour l’instant, chacun, chaque pays, chaque continent, essaye de se protéger comme il peut. Mais tout ça nous amène à réfléchir globalement à notre vie, à notre environnement, à notre capacité de solidarité. On perçoit déjà des répercussions de ce moment de suspension. Le calme revient, les grosses machines ne tournent plus, les oiseaux chantent, les avions ne volent plus. Cela devrait permettre à l’environnement, qu’on agresse en continu, de respirer un peu.

Il faut vraiment profiter de ce moment de répit, de calme, pour nourrir des projets. Ce n’est que comme ça que nous artistes nous portons un espoir, que nous jouons un rôle auprès du public. Comment, après ce confinement, on peut sortir rafraichis, rajeunis de quelque chose, pour continuer nos dialogues avec les territoires et avec le public.

 

 

BIO

Formé au théâtre et à la danse à Ouagadougou (Burkina Faso), Salia Sanou intègre en 1993 la compagnie Mathilde Monnier au Centre Chorégraphique National de Montpellier. Il participe alors aux différentes créations de la compagnie. En 2011, le danseur et chorégraphe crée la compagnie Mouvements Perpétuels, implantée à Montpellier. Plusieurs de ses créations sont au programme du Festival Montpellier Danse depuis 2012. En 2006, il fonde avec Seydou Boro le Centre de développement chorégraphique La Termitière, à Ouagadougou. Ce projet international, dédié à la création et à la formation, est le premier du genre en Afrique. Il est financé par l’Ambassade de France.

Après Du désir d’horizons, création fondée sur le matériau que Salia Sanou a pu recueillir dans des camps de réfugiés au Burkina Faso et au Burundi, où il a animé des ateliers pendant 3 ans dans le cadre du programme Refugees on the move, initié par la fondation African Artists for Development. En 2018-10, il crée Multiple-s, trois face-à-face créés alternativement, puis réunis pour la première fois à Charleroi danse et au festival d’Avignon 2019. La chorégraphe partage la scène avec la danseuse Germaine Acogny, fondatrice de l’école des Sables au Sénégal, et l’auteure Nancy Huston, qui y livre sa poésie de l’intime, De vous à moi. En 2020, Kader Belarbi, qui dirige le Ballet du Capitole, l'invite à créer avec la troupe des 35 danseurs de 14 nationalités différentes.

 

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