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Sette minuti, le prix d’un coming out

par Pierre Magnetto
Alfredo, dans la scène finale de Sette minuti. © Alessia Bottone
Alfredo, dans la scène finale de Sette minuti. © Alessia Bottone
Alessia Bottone et réalisatrice, scénariste et journaliste. Diplômée en institut d’études politiques elle été formée à l’Académie de cinéma Renoir de Rome et à l’École de cinéma Carlo Mazzacurati à Padoue. © DR
Alessia Bottone et réalisatrice, scénariste et journaliste. Diplômée en institut d’études politiques elle été formée à l’Académie de cinéma Renoir de Rome et à l’École de cinéma Carlo Mazzacurati à Padoue. © DR
Cinéma Film Publié le 07/02/2025
Dans Sette minuti, la réalisatrice italienne Alessia Bottone raconte l’histoire d’Alfredo qui a trouvé la force d’assumer son homosexualité et ce que ça lui a coûté, tandis que Mario se détournait pour continuer sa vie de couple, de père puis de grand-père. Un court-métrage porté par un monologue tout en sensibilité et des images d’archives. Le film est à l’affiche à Paris le 12 février et à Marseille fin mars.

Sette minuti (sept minutes), c’est le titre a priori énigmatique du dernier film de la réalisatrice italienne Alessia Bottone, dont Alfredo, l’unique narrateur, dévoile très vite le sens. « Sept minutes, une cigarette dure sept minutes, le temps de dire ce qu’on a à dire. Toutes les phrases que j’ai préparées en fumant et que je n’ai jamais dites ». Ces phrases, c’est à Mario qu’Alfredo les destinait mais leur histoire à eux tient en peu de mots. Elle débute en 1962 lorsque les deux jeunes hommes se rencontrent et tombent amoureux l’un de l’autre, avant d’entretenir une relation secrète jusqu’à ce qu’Alfredo fasse son coming out dans l’espoir de pouvoir vivre son amour au grand jour. Mais, dès cet instant, Mario rompt par peur des préjugés et reprend sa vie d’époux, devenant père de famille puis grand-père. Sélectionné au Primed de Marseille en décembre dernier, le film sera diffusé le 12 février à Paris dans le cadre du festival Girogirocorto* avec cinq autres courts-métrages abordant le sujet de la communauté LGBTQ+. Il reviendra à Marseille fin mars, dans le cadre du Festival International Music & Cinema**, qui l'a sélectionné pour la musique de sa bande originale composée par Francesco Costanza.

 

Le prix à payer. Dans son monologue, Alfredo dit tous les préjudices, les frustrations et les peines subis depuis près de 50 ans dans un récit dont le texte poétique et tout en retenue a été écrit par la réalisatrice. Sa révélation lui vaudra d’être mis au ban de sa famille, « Alfredo, que vont dire les gens ? Qu’est-ce qu’ils vont penser » s’indigne sa mère face au poids des préjugés. Elle conduira l’établissement dans lequel il enseignait à le licencier, « nous sommes contraints de nous passer de vos services », parce que la mère d’une de ses étudiantes ne voulait « pas d’un professeur pédé dans l’école ». Ces terribles déconvenues s’ajoutent au pire qui lui soit arrivé, la rupture amoureuse et un sentiment de trahison qui meurtrit l’âme au plus profond. « Un jour pour m’éloigner il m’a dit qu’il n’était pas gay, qu’il s’était sûrement trompé. Bref, en quelques mots, un gay à temps partiel », révèle Alfredo désabusé.  « Mario, avant d’être Mario, c’est un père, un mari, un grand-père, un retraité, un abonné au théâtre et au journal… Mario c’est tout ce que l’on veut, sauf ce qu’il est réellement », dit-il encore. Mais dans une ultime tirade Alfredo éprouve comme un sentiment de fierté pour avoir assumer sa sexualité : « on dit que quand on aime quelqu’un on imite ses gestes inconsciemment, j’ignore si je t’ai copié Mario mais tu m’as fait faire ce que tu n’as pas eu le courage de faire : exister. Merci ».

 

Du cinéma d’archives. Alessia Bettone confie s’être inspirée du personnage d’Alfredo qui cache son homosexualité dans Une famille formidable (Parenti Serpenti) de Mario Monicelli sorti en 1992, après avoir rencontré son interprète, Alessandro Haber. « J’ai voulu penser à ce qu’avait pu devenir un tel personnage 30 ans plus tard, ce qu’il s’était passé pour lui, mais c’est aussi une histoire vraie qui arrive parfois. Un de mes amis m’a raconté que juste avant de mourir son père lui avait avoué qu’il était gay. Il avait caché ça toute sa vie ». Pour raconter son histoire la cinéaste a choisi le monologue en voix off parce que cela permet de « connaître le personnage, sa psychologie, ce qu’il pense… j’essaye de trouver la meilleure façon de mettre ce qu’il ressent en avant. » Pour réaliser ce film autoproduit, Alessia Bottone a travaillé en grande partie avec des images d’archives puisées dans les fonds de diverses institutions audiovisuelles italiennes, dont l’Institut Luce, basé à Rome, et Home Movies – archives nationales du film familial de Bologne. Seules les images de la fin du film ont été tournées avec, dans le rôle d’Alfredo, Pierluigi Gigante.

 

Une trilogie consacrée à la solitude. Sette Minuti est en fait le second volet d’une trilogie que la cinéaste, qui par ailleurs travaillé comme assistante réalisatrice à CineCittà sur des productions internationales (par exemple Conclave d’Edward Berger actuellement sur les écrans), entend boucler sur le thème de la solitude. Le premier portait sur le thème de l’exil et des migrants : La Napoli de mio padre (La Naples de mon père). Sorti en 2021, il a remporté cette année-là une mention spéciale aux Nastri d’argento (Rubans d’argent), décernés par le Syndicat national des journalistes cinématographiques italiens, et l’année suivante a obtenu un prix dans la catégorie Courts au Primed de Marseille (le Festival de la Méditerranée en images). Pour découvrir le troisième, il faudra attendre encore un peu.

 

*Girogirocorto : Fiertés à l’écran avec 6 cours-métrages dont Sette Minutti, mercredi 12 février, Auberge Yves Robert, Esplanade Nationale Sarraute, 75018 Paris.

**Musique et cinéma, du 24 ay 29 mars à Marseille.

 

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Alessia Bottone et réalisatrice, scénariste et journaliste. Diplômée en institut d’études politiques elle été formée à l’Académie de cinéma Renoir de Rome et à l’École de cinéma Carlo Mazzacurati à Padoue. © DR
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