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« Sister » de Svetla Tsotsorkova, chronique d’une jeunesse bulgare

par Véronique Giraud
Sister, long-métrage de la réalisatrice Svetla Tsotsorkova. DR
Sister, long-métrage de la réalisatrice Svetla Tsotsorkova. DR
Cinéma Film Publié le 19/10/2020
Quelque part en Europe de l'est, une mère et ses deux filles vivent, survivent, en exploitant la terre glaise. La cadette Rayna, dont le visage, les figurines et les facéties jalonnent Sister, second long-métrage de Svetla Tsotsorkova, fascine et bouleverse.

Le long plan sur le visage angélique de Monika Naydenova, Rayna, donne le ton du film Sister, second long-métrage de la réalisatrice bulgare Svetla Tsotsorkova. Derrière ce charmant visage à peine sorti de l’adolescence, aux pensées insaisissables, aux traits immobiles, on devine une colère, une révolte intérieure envahissant corps et esprit. Une colère qui renvoie aux images inédites des manifestants dans les rues de Sofia cet été 2020. Le personnage ne se limite pas à une allégorie de la Bulgarie de Borissov. Il raconte les rapports d’une famille, la mère et ses deux filles, qui vivent, survivent, en exploitant et conditionnant la terre glaise qu’elles livrent aux petites entreprises d’une région non identifiée. Rayna en crée des figurines qu’elle vend au bord de la route, à des automobilistes curieux qui veulent bien s’arrêter. À cet échantillon de la société bulgare, elle raconte imperturbablement et avec force détails des mélodrames personnels, empreints de réalité sociale, qui attendrissent les passants. Héroïne des pires tragédies dans un pays de combines, de corruption, d’abus de pouvoir, notamment de la part des forces de police et de justice, Rayna trouve refuge dans un monde qui n’existe pas. Le film navigue entre réel et fiction, entre vérité et mensonge, produisant le malaise d’un défaut absolu de morale.

 

Des histoires dans l'histoire. Sans le personnage de Rayna, qui ne se résout pas à sa condition d’une vie sans amour ni perspective, et crée des situations fantasques, le film tiendrait du néo-réalisme. La maison, bâtie dans un no man’s land, à l’intersection de plusieurs routes, abrite trois vies misérables engluées dans la glaise. La plupart des voisins se livrent à tous les trafics, les autorités à toutes les pressions, les mafias à toutes les violences. L’amour n’a pas sa place, réduit à une illusion quand la réalité tient du sordide. Quelques petites lueurs d’humanité vont pourtant éclairer la narration, la relation entre Rayna et l’amant de sa sœur, les rayons de soleil caressant les petits personnages de terre glaise à la conception malhabile mais empreints de touches enfantines, les incroyables récits confessions-mensonges de Rayna dont la longueur et la précision créent les histoires dans l’histoire.

 

Sister, long-métrage de Svetla Tsotsorkova. Grand Prix du Sofia International Festival 2020 et meilleur film au 29e festival Cottbus.

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