espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Oeuvre > « Solange et les vivants » : Un vrai film 2.0

« Solange et les vivants » : Un vrai film 2.0

par Véronique Le Bris
Solange chez le médecin. DR
Solange chez le médecin. DR
Cinéma Film Publié le 08/03/2016
Youtubeuse à succès, Ina Mihalache reprend le personnage de "Solange te parle" pour signer un premier long métrage ambitieux sur l'ultra moderne solitude, celle qui fait qu'on parle plus à son ordinateur qu'à son voisin. Cette performance filmique, philosophique dans son propos, restera comme une expérience aboutie d'un film issu du web, financé (en grande partie) par le web et mis en avant grâce au web.

Ina Mihalache est une actrice ratée, ancienne élève du cours Florent mais qui ne se voyait pas courir les castings et les soirées mondaines pour décrocher des rôles. Vidéaste, elle recule devant la difficulté à pouvoir diffuser son travail. Cette jeune femme peu versée vers les autres, vers "la" société, tombe un jour sur une vidéo de Norman et perçoit immédiatement ce qu'elle peut tirer de ces mini-films tournés chez soi, avec un matériel minimum et sans équipe.

Ainsi naît Solange fin 2011, son avatar que YouTube et les réseaux sociaux vont vite propulser à des sommets d'audience : 14 millions de vues à ce jour et près de 140 000 followers sur YouTube. Solange a aussi été déclinée en trois feuilletons radiophoniques (139 épisodes) sur France Inter et Le mouv’ et en un livre aux éditions Payot, sorti en janvier 2016.

Solange au cinéma. Il n'en fallait pas plus pour qu'Ina Mihalache ait envie de raconter sa solitude 2.0 au cinéma. En gardant les principes qui ont fait son succès : des saynètes, reliées ici par un fil conducteur ; une réflexion philosophique sur la vie, les autres et les relations sociales ; un décor quasi unique - son appartement - ; un ton résolument décalé ; une certaine poésie urbaine ; des situations absurdes ; un narcissisme hautement revendiqué qui en dit long sur notre époque, etc.

D’un point de vue artistique, le film simplement mais parfaitement filmé, cadré, est beaucoup plus maîtrisé que ne le sont les vidéos habituelles. Dans sa forme, c’est une sorte inédite de journal intime à la folie douce. Le propos est volontairement absurde : un livreur sonne chez Solange et ce contact avec l’extérieur la rend si malade qu’elle ne peut plus rester seule. Une chaîne humaine s’organise alors pour qu’elle soit constamment accompagnée. Le ton est celui d’une comédie décalée, loufoque, proche de l’univers de l’artiste américaine Miranda July, qui a réalisé Moi, toi et tous les autres, récompensé de la Caméra d’Or au Festival de Cannes en 2005, ou de celui de Lena Dunham, à qui l’on doit la série Girls. Peu d’effets, peu d’acteurs professionnels – on y croise en revanche Pierre Siankowski, le rédacteur en chef des Inrocks, Charline Vanhoenacker, drôle de journaliste belge sur France Inter ou les parents d’Ina Mihalache, Le film n’est est pas moins une réflexion très pertinente sur la solitude urbaine actuelle, la peur des autres et la singularité d’un mode de socialisation dominé par Internet. « Vous touchez à l’essentiel, à l’universel » a l’habitude de lancer son public enthousiaste, branché, aux deux tiers féminin, venu en masse voir le film en avant-première.

Une équipe, pas de budget. - De l’aveu même d’Ina Mihalache, « réaliser ce film est sans doute la chose la plus difficile que j’ai fait de ma vie », tant communiquer ses envies à d’autres gens, à des collaborateurs, n’est pas naturel chez elle. Et cela d’autant plus qu’elle n’écrit jamais de scénario et valorise toujours l’instant, l’urgence, le surgissement de l’inconnu. Ce qui est tout à fait possible sur Youtube, moins dans le cinéma où le travail se fait en équipe. Elle a donc dû adapter sa technique de création et trouver des producteurs qui acceptent de lui laisser une liberté totale.

Ce qui en langage de cinéma revient à dire que l’économie du film sera minimale. Au final, Solange et les Vivants a été réalisé avec un budget (dérisoire) de 150 000 €, en partie réunis grâce à une opération de crowdfunding, et au final entièrement financé sur fonds privés.

Vécu comme une expérience autant de la part d’Ina Mihalache que de ses productrices – Priscilla Bertin, Elisa Larrière et Judith Nora de la société Silex Films – ce long métrage n’avait au départ pas d’autre vocation que d’être diffusé en e-cinéma. Mais le succès des avant-premières a été tel, la mobilisation du public pour une sortie en salle si insistante (sur les réseaux sociaux bien sûr) , le succès de la bande-annonce si rapide – 80 000 vues en cinq jours – que le film a trouvé un distributeur et sera diffusé sur grand écran en France, en Belgique, en Suisse et au Québec ! Un film IRL, en quelque sorte.

 

Solange et les vivants d’Ina Mihalache, avec Pierre Siankowski (le livreur), Charline Vanhoenacker (la journaliste), Francis van Litsenborgh (le propriétaire)…

Partager sur
Fermer