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Superbemarché : le MIAM de Sète décortique l’orange

par Élisabeth Pan
©DelaSelle-NAJA
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Arts visuels Arts plastiques Publié le 14/04/2025
Avec sa nouvelle exposition, "Superbemarché", le MIAM valorise sa collection de papiers agrumes pour conter avec les artistes et donateurs d'aujourd'hui une modeste histoire de l'orange. Du 11 avril au 8 mars 2026.

L’exposition Superbemarché a été inspirée par la collection de papiers d’agrumes du musée sétois, le musée international des arts modestes. Elle a été conçue en partenariat avec le centre d’art de Montpellier, La fenêtre. C’est une troisième collaboration, après Modestes et Appliqués en 2022, sous l’impulsion des deux directrices, Françoise Adamsbaum pour le MIAM et Gaëlle Maury pour La Fenêtre. L’exposition, soutenue par le collectif Montpellier 2028, est le fruit d’une résidence de recherche et de création autour de collections de papiers d’emballage d’agrumes. Après un an de travail, entre recherches sur la collection du MIAM et rencontres avec des travailleurs en agrumes, le duo de designers graphiques Rovo, composé de Gaëlle Sandré et Sébastien Dégeilh, a fait émerger plusieurs thématiques, comme les rappels à l’enfance, l’origine de telles images, le passage de l’orange en tant que produit naturel au produit de consommation… Un travail immense sur « cette mythologie de l’orange », comme l’explique Sébastien Dégeilh.

Plusieurs artistes et donateurs, notamment Pascal Casson, Jean Seisser, Odette Lachenal, ainsi que le musée des arts décoratifs de Paris, ont contribué à cette exposition qui rassemble des papiers d’agrumes de tous les pays et de toutes les époques. Une des salles, entièrement dédiée aux archives, les présente dans des classeurs et vitrines, donnant au public un aperçu de l’ampleur de la collection.

 

L’origine biologique de l’agrume. La 1ère partie de l’exposition se concentre sur les papiers d’agrumes, les origines de l’orange et son transport de l’Asie à l’Europe. Cette première approche permet au public de comprendre le développement de l’agriculture et de l’industrialisation des agrumes, à-travers des œuvres telles l’un des premiers traités sur la culture des agrumes. L’origine mythologique des agrumes est également explorée, le fruit représentant dans l’antiquité la séduction, la famille ou encore le travail.

C’est au XIXe siècle que commence l’importation des oranges. Au fil des ans se développent les moyens de déplacement et, en parallèle, les emballages, qui servent d’abord à éviter qu’une orange gâtée ne contamine toute la cargaison. Avec le temps, le papier devient indicateur de l’espèce de l’orange, de son pays d’origine, jusqu’à ce que les marchands se rendent compte que grâce à ces informations ils peuvent séduire les acheteurs. Finalement les différentes marques se mettent à créer leurs propres emballages. Certains papiers rappellent un peu les bandes dessinées, permettant ainsi de raconter des histoires, tandis que sur d’autres sont écrits des textes qui réfèrent aux voyages. Le lien est alors fait entre ce désir de se différencier, et les termes « cliché » et « stéréotype » qui viennent eux-mêmes de l’imprimerie et de la photographie.

 

La suite des opérations : le transport. L’exposition s’intéresse aux thématiques géopolitiques que pose ce commerce, notamment avec la mise en place d’un marché contre-saison dans les années 70. On découvre comment les vendeurs commencent à mettre en valeur, par leurs papiers agrumes, la vélocité de leur transport, y imprimant un âne ou Superman transportant des oranges. Sur d’autres papiers figurent des portraits d’artistes et de célébrités, tel Mickey Mouse, engageant le consommateur grâce à ces visages familiers.

Un mur de l’exposition est dédié aux cagettes de fruits, dont les étiquettes, leur esthétique, créent du marketing au moment du transport et de la vente. Tout près, les femmes travailleuses sont mises en avant, notamment avec Oficis emcaixadora de l’artiste Pascale Herpe. Cette œuvre rend hommage aux transporteuses d’oranges de Cerbère, connues pour avoir organisé la première grève entièrement féminine en France. Plus loin, l’œuvre Capri Seum de Marion Mounic éclaire le fait que, si l’orange est aujourd’hui synonyme de santé, de forme et d’énergie, elle est maintenant consommée principalement sous forme de jus, dont la plupart sont faits principalement d’eau et de sucre, avec un goût artificiel rappelant vaguement l’orange. C’est la « disparition de l’orange au profit d’un jus » déplore Sébastien Dégeilh.

 

Une seconde vie. La deuxième partie de l’exposition étend ses horizons à tous les objets du quotidien, éphémères, voués à la poubelle, qui sont imprimés à des fins commerciales. Se pose alors la question de l’intérêt d’imprimer des produits comme le sopalin ou le papier toilette, rendus esthétiquement plaisants à des fins de marketing. Superbemarché les met en opposition aux billets de banque, ou autres imprimés qui ne partagent pas le destin de leurs pairs, avec leur plus grande valeur. Évoquant les vêtements de marque, Sébastien Dégeilh observe que « Le motif public se décroche du produit pour s’accrocher à notre corps ». Se pose ainsi l’importance donnée à certains bouts de papiers teints plutôt qu’à d’autres, et la conclusion que le packaging n’est rien d’autre que le lien entre l’objet et l’acheteur dans l’acte marchand.

L’exposition se concentre enfin sur l’acte de collectionner, conférant une nouvelle signification à ces objets du quotidien. Superbemarché explore à cet égard le rôle des artistes qui, dans ce schéma de consommation, permettent de remettre ces objets dans l’espace public en s’en inspirant pour créer.

 

La collection : un art modeste. « Ce sont des objets transformés en œuvres, vouées peut-être elles aussi à la poubelle, mais, on l’espère, plutôt à la collection » commente Sébastien Dégeilh. Plusieurs artistes invités ont exploré ces questions, réinterprétant les emballages à leur manière. Parmi eux les graphistes et artistes Bastien Aubry et Dimitri Broquard, qui ont créé des œuvres d’arts à partir de ces « déchets ». « J’aime bien partir d’une feuille blanche et me laisser transporter » explique Bastien Aubry, qui a créé un carton de pizza, réalisé à partir d’emballages usagers, préparé et cuisiné à la façon de l’objet qu’il représente. « On voulait travailler un peu comme des pizzaiolos, en gros » plaisante l’artiste. L’architecte français Éric Monin a quant à lui prêté au MIAM une collection très unique pour Superbemarché. « Bonjour, je suis le type qui collectionne des sacs poubelle » plaisante-t-il. En effet, tous ces objets servant à transporter les marchandises nous transportent à notre tour à travers les époques et marques. L’artiste se rappelle du temps où ces sacs plastiques servaient à chacun de sac poubelle, avant qu’ils ne deviennent payants. Depuis, les ventes de sacs poubelles ont explosé, poussant encore une fois à la consommation de nouveaux produits.

Superbemarché résonne parfaitement avec l’exposition permanente du MIAM, collection d’objets qui étaient voués à l’oubli, et se retrouvent admirés au quotidien.

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