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Tisser l’imaginaire, l’invitation du musée de Lodève

par Véronique Giraud
Jana Sterbak, En chemin vers Marseille. Tapisserie de lice, Atelier des Gobelins. DR
Jana Sterbak, En chemin vers Marseille. Tapisserie de lice, Atelier des Gobelins. DR
Arts visuels Arts plastiques Publié le 18/11/2024
C’est la troisième exposition que le musée de Lodève consacre aux créations tissées. Après "Tisser la couleur" et "Tisser la nature", "Tisser l’imaginaire" emplit ses murs de la force suggestive de l’image à travers dix-neuf tapisseries et un tapis. Un voyage, de La Renaissance à nos jours, des contes aux fables et sujets mythologiques, de l’art moderne à la pure abstraction.

Tout comme la peinture, la tapisserie n’est pas morte. Très courante il y a quelques siècles, comme monnaie d’échange ou comme moyen de chauffer les murs glacés d’une demeure, elle se fait plus rare aujourd’hui. Considérée depuis le XXe siècle comme une œuvre d’art à part entière, elle doit toujours sa magnificence à l’excellence du savoir-faire d’un lissier. Cette collaboration d’un artiste dont le tableau sera décliné en tapisserie avec un artisan qui fait perdurer une longue tradition toujours en vogue. Les riches collections du Mobilier National en témoignent. C’est à travers elles que se construisent les expositions de Lodève. Sélectionnées par la conservatrice en chef et directrice du musée, Ivonne Papin-Drastik, les tapisseries font le voyage, soigneusement enroulées, jusqu’à la ville où est installée depuis 1964 la manufacture nationale de tapis de la savonnerie. Ce lien est rappelé par chaque exposition.

Les 20 œuvres de Tisser l’imaginaire possèdent chacune la force de l’image. La première, aux dimensions extraordinaires (presque 6 mètres de long) et fourmillant de scénettes, de personnages, de représentations de la forêt, reproduit un dessin de Jean Veber illustrant un des contes de Charles Perrault, Le petit poucet. L’imaginaire collectif est encore aujourd’hui aussitôt happé par ses détails foisonnants, séduit par ses couleurs. Face à l’œuvre, qui fut une commande de la Manufacture des Gobelins, est accrochée la version d’une fable de La Fontaine, Le loup et l’agneau, saisissante par sa parenté avec la peinture qui a servi de modèle. Les dimensions sont les mêmes que le tableau du peintre, et les traitements de l’eau et du pelage sont admirables. Quelques tapisseries réalisées à la Renaissance, notamment une amusante tapisserie de lice, Un camp de singes, précèdent de leurs sujets mythologiques plusieurs chefs d’œuvres du XXe siècle. D’André Masson à Jean Lurçat, d’André Derain à Victor Brauner et Fernand Léger, la tapisserie est le fruit d’une collaboration étroite entre l’artiste et l’artisan qui se doit de trouver le moyen de transposer les touches du pinceau avec du fil de coton, de laine, de soie. L’art moderne s’est vectorisé sur le carton du lissier, et la tapisserie renvoie à tous les sujets, à toutes les esthétiques, elle nous conte des histoires comme elle nous invite à se perdre dans ses couleurs et dans les ondes de sa si singulière matière. Plus près de nous, la transposition de 9 photographies (2015) que l’artiste Jana Sterbak a prises du ciel de Marseille ou encore le tapis Mirage (2020) de Nathalie Junod-Ponsard témoignent des tous récents souffles de la tapisserie

Ces œuvres, magistralement disposées dans les salles du musée d’art, sont des invitations à la rêverie comme peuvent l’être les œuvres d’artistes plasticiens. On en viendrait à oublier que cette dimension tissée est l’œuvre de lissiers dont la signature, contrairement à celle du peintre, n’apparaît pas toujours sur la tapisserie qu’ils auront mis plusieurs mois à concevoir puis à confectionner.

Avec l’art contemporain, l’art de la tapisserie a de beaux jours devant elle. Et sans doute de futures expositions.

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