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« Toto et ses sœurs », une fiction très documentaire

par Clémence Bohême
Toto, dit Totonel, à 9 ans, trouve refuge dans la pratique du Hip-hop pour échapper à sa situation familiale. ©DR
Toto, dit Totonel, à 9 ans, trouve refuge dans la pratique du Hip-hop pour échapper à sa situation familiale. ©DR
Pendant les 14 mois de tournage, le réalisateur a laissé une caméra à Andreea dont elle a fait son journal personnel, un moyen d'exprimer ses réflexions les plus intimes. ©DR
Pendant les 14 mois de tournage, le réalisateur a laissé une caméra à Andreea dont elle a fait son journal personnel, un moyen d'exprimer ses réflexions les plus intimes. ©DR
La mère de Toto, Andreea et Ana est condamnée à 7 ans de prison pour trafic d'héroïne. ©DR
La mère de Toto, Andreea et Ana est condamnée à 7 ans de prison pour trafic d'héroïne. ©DR
Cinéma Documentaire Publié le 07/01/2016
"Toto et ses sœurs", du réalisateur roumain Alexander Nanau, sort en salle. À la frontière entre le documentaire et la fiction, le film apporte un regard très cru et direct sur l’enfance dans la communauté Rom, à travers la famille de Totonel, un enfant de 9 ans aux yeux rêveurs, épris de RNB.

Imaginez un appartement d’une pièce, 20 m2 tout au plus, sans eau courante, sans cuisine, rempli d’une famille de toxicomanes inconscients ou prêts à se planter une seringue d’héroïne dans le cou. Imaginez le quotidien d’un enfant de 9 ans et de sa sœur de 14 ans dans cet environnement. Imaginez maintenant que ce ne soit pas une fiction…
Cette vie, c’est celle de Totonel, un enfant de la communauté Rom de Bucarest, et de ses sœurs, Andreea, qui a compris à 14 ans l’importance de se sortir de ce quotidien et Ana, toxicomane de 17 ans, qui sombre dans une paranoïa. Le tout est raconté derrière l’objectif du réalisateur roumain Alexander Nanau en ce moment au cinéma. Lui n’a jamais su choisir entre la fiction et le documentaire. Ni su ou voulu faire la différence, avoue-t-il d’ailleurs. “Un bon documentaire est un bon film de fiction et vice-versa.” Et cette manière d'envisager le cinéma, le spectateur la ressent tout au long du film, partagé entre une réalité trop crue pour être acceptable et un tournage qui relève de la fiction.

“Cinéma direct”. Pas un regard pour la caméra, pas une seule interview en face à face, pas d'éléments historiques ni même de contextualisation par une voix-off. Les codes du documentaire sont absents du montage proposé et réalisé par Alexander Nanau lui-même. Au final, on a l’impression d’un scénario écrit, bien écrit. Ni fiction, ni documentaire, il réalise du “cinéma direct”. Il se concentre sur les personnes, réalise des gros plans, saisit des détails, des expressions, peu souvent tristes malgré la situation. Le réalisateur a même parfois laissé la caméra à Andreea, la cadette de la famille, pour approcher au plus près et au plus vrai la situation. “Les enfants s’autorisent à filmer des choses que je ne pourrais pas envisager, ou même auxquelles je n’aurais pas accès”. Celle-ci en a d'ailleurs fait son journal intime. Dans le lit du foyer dans lequel elle s’est inscrite avec Totonel, elle se permet de poser certaines questions à son frère moralement inenvisageables pour le réalisateur : “Est-ce que tu aimes encore Maman... et Ana ?

Une rencontre, une histoire. Le cinéma direct, c’est aussi capturer le réel, le comprendre, déconstruire les clichés et les propres visions du réalisateur. Après 14 mois à observer cette communauté, et en rencontrant cette famille, le film devait être celui d’une mère sortant de prison pour trafic de drogue et tentant de retrouver sa vie de famille. Le résultat oscille plutôt entre le drame de ces enfants Roms souvent abandonnés par leurs parents et déscolarisés, la success story de ce petit Totonel, “né champion” comme l’affirme son professeur de danse hip-hop, et la résilience de deux enfants qui mettent un point d’honneur à continuer à rire, à rêver de gagner un concours de hip-hop, à se sortir de cette situation, et finalement à vaincre ! Ce film, c’est celui de deux enfants contraints de suivre les conseils de l’assistante sociale de leur club de lecture et d’activités : “N’essaie pas de changer les choses à la maison, tu n’as aucune chance”. Contraints en somme à faire un choix entre la vie et leur famille.

Faire du cinéma, c’est raconter des histoires qui changent les gens”, expliquait Alexander Nanau à la fin de la projection de son film en avant-première au cinéma Le Louxor. En Roumanie, comme dans d’autres pays, le racisme envers la communauté Rom est fort. Le réalisateur s’attache à expliquer leur quotidien et aimerait faire changer le regard des gens. Toujours est-il qu’il a réussi une chose : ne pas faire sortir les spectateurs intacts de la salle.

Toto et ses sœurs d’Alexander Nanau, en salles depuis le 6 janvier. Production: HBO Europe, Stradafilm et Alexander Nanau production. Distribution France : JHR films et Wide.

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Toto et ses soeurs, Alexander Nanau
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