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Mot de passe oublié ?La réalisatrice suédoise Victoria Verseau était au festival Premiers Plans d’Angers à l’occasion de la projection en avant-première de son documentaire Trans Memoria. Victoria a commencé à écrire le scénario après le décès de son amie Meril, qui a mis fin à ses jours. Elles se sont rencontrées en 2007 en Thaïlande, où elles étaient venues faire un vaginoplastie, chirurgie d’affirmation de genre. Le documentaire résulte de neuf ans de travail et, pour la réalisatrice, il était important de le montrer en France, pays natal de Meril.
De la fiction à la réalité. Victoria Verseau a commencé par écrire une fiction sur sa relation avec Meril, leur expérience en Thaïlande, leur amitié. Mais en discutant avec Athena Love et Aamina Larsson, les actrices qu’elle a engagé pour ces rôles, elle a pris conscience qu’il serait plus intéressant de réaliser un documentaire à la mémoire de son amie. « Le film lui-même a vécu une sorte de transition » plaisante-t-elle. C’est ainsi qu’est né Trans Memoria, un film qui donne la parole à ses protagonistes qui s'expriment sur leur transidentité. Il aborde également des thématiques plus universelles, telle que la perte d’un être cher et le désir de se sentir aimé. La réalisatrice espère que le film pourra parler ainsi à un vaste public. Par ailleurs, elle a insisté, lors de la rencontre avec le public du festival, sur le fait que le film se base sur « ma propre expérience de la transition », précisant que chaque personne la vit différemment. C’est un propos qui anime les trois amies tout au long du film, car aucune ne l’a vécue de la même manière. Le film leur donne libre cours pour exprimer leurs différents points de vue sur leur expérience. La chirurgie, par exemple, n’est pas désirée par certaines personnes trans, pour Victoria elle était nécessaire : « Je serais morte sans ».
Une vision crue. L’un des sujets de conversation récurrents du documentaire est la santé mentale, fragile lors du tournage chez Athena et Victoria. Elles discutent alors du poids de la société et de leur désir d’être aimées, préoccupations que partageait Meril avant qu’elle mette fin à ses jours. Une personne du public a salué la réalisatrice pour avoir montré ces moments de vulnérabilité, car la transition est fréquemment vue comme un « choix », alors que ce n’en est pas un. Avec l’ajout d’extraits de son journal vidéo au moment de l’opération, Victoria met la lumière sur les souffrances que doivent traverser ces personnes. Cela atténue d’autant plus le « glamour » que certains se représentent de la transition, et témoigne qu’il s’agit bien d’une nécessité. La réalisatrice dit avoir hésité jusqu’à la dernière étape du montage à partager des extraits si personnels. Avant de se rendre compte de l’importance que chacun voit son état d’esprit au moment de l'opération, et que certains puissent s’identifier à ces scènes.
Un public enchanté. L’accueil du public était celui qu’espérait Victoria Verseau : à la fois chaleureux, et reconnaissant. Ils étaient nombreux à vouloir lui parler à la fin de la séance pour partager leur propre expérience, à l’instar d’une femme évoquant son petit-fils trans, et demandant à Victoria si elle se sentait enfin bien maintenant. La réalisatrice lui a assuré qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse, rassurant la grand-mère qui lui a dit que c’était tout ce qu’elle espérait pour son petit-fils. Le documentaire a également permis à certains de se rendre compte des sacrifices et des difficultés d’être trans. Victoria a partagé par ailleurs son inquiétude au lendemain de l’investiture de Trump et des propos tenus par le nouveau président des États-Unis, car bien que les droits des personnes trans évoluent, ils reculent en même temps sur certains points. La réalisatrice se rassure en pensant au fait qu’il en a été de même pour les droits féministes et homosexuels. « Je pense que c’est parce que de plus en plus de gens apprennent notre existence » partage-t-elle, se réjouissant de l’augmentation de la représentation et la visibilité de sa communauté dans les médias.
Victoria Verseau a le projet de faire de son documentaire le premier d’une trilogie, dont le second volet se passerait aux États-Unis, si cela lui est permis dans le climat actuel. Elle espère que son film permettra plus d’assentiment de la part de personnes étrangères à la communauté. Si on en croit l’accueil qu’il a reçu au festival, il se pourrait bien que tel soit le cas.
Trans Memoria sortira en France le 19 novembre 2025.