espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Analyse > Ukraine, résistance et solidarité culturelle

Ukraine, résistance et solidarité culturelle

par Élisabeth Pan
Dès le lendemain de l’invasion russe, le street artiste Seth réalisait cette fresque, rue Buot à Paris, « Pour mes amis ukrainiens ».
Dès le lendemain de l’invasion russe, le street artiste Seth réalisait cette fresque, rue Buot à Paris, « Pour mes amis ukrainiens ».
Hors-Champs Société Publié le 11/03/2022
En Russie, et en France, le milieu culturel s’oppose aux agissements du Président russe. La résistance prend diverses formes.

Le 24 février rappelait violemment aux Européens l’existence de l’Ukraine puis, tout aussi violemment, la guerre. Les intellectuels russes, habitués à s’opposer à la violence et à la censure sous Poutine, ont été les premiers à se désolidariser des prétentions nationalistes et territoriales de leur président. Courageuse opposante au système Poutine depuis des années, combattante au côté de l’ONG Memorial que la Cour suprême russe a dissoute le 28 décembre dernier, la grande écrivaine russe Ludmila Oulitskaïa, a récemment quitté Moscou pour rejoindre son fils en Israël. Mais, le premier jour de l’offensive, elle a exprimé dans un texte « sa douleur, sa peur, sa honte » d’une guerre dont elle pensait que sa génération, née pendant la seconde guerre mondiale, serait épargnée. Elle a évoqué « le destin du pays dirigé par la folie d’un seul homme et de ses complices dévoués ». Et de poursuivre : « Cette responsabilité, nous la partageons tous nous aussi, qui sommes contemporains de ces événements dramatiques et qui n’avons pas su les prévoir ni les arrêter. Il faut absolument stopper cette guerre qui se déchaîne de plus en plus à chaque minute qui passe, et résister à la propagande mensongère dont tous les médias inondent notre population. »

Le 28 février, c’est la directrice du Théâtre d'État et du Centre culturel Meyerhold (metteur en scène victime de la répression de Staline en 1939), Elena Kovalskaya, qui annonçait sa démission sur les réseaux sociaux, ne pouvant « pas travailler pour un meurtrier et percevoir un salaire de lui ».

 

D’une résistance à une autre. Rien d’étonnant à ce que le collectif féministe punk rock de Moscou, Pussy Riot, ait pris position en faveur de l’Ukraine. Ces féministes ont déjà payé un lourd tribu en osant affronter Poutine à travers des performances artistiques non autorisées pour promouvoir, en robes courtes et cagoules, les droits des femmes en Russie. Leurs prestations et leurs arrestations ont fait le tour du monde des réseaux sociaux et des médias, en particulier leur « prière punk » dans une église orthodoxe, projetée au Palais de Tokyo à Paris, qui valut à trois d'entre elles la condamnation en 2012 à deux ans d'emprisonnement en camp de travail. À quelques jours de l’invasion, Alona Shevchenko, a créé avec Nadya Tolokonnikova, membre fondateur de Pussy Riot, la DAO Ukraine sur Twitter, aux côtés de Trippy Labs et des membres de PleasrDAO. « Notre objectif est de collecter des fonds pour les reverser à des organisations civiles ukrainiennes qui aident ceux qui souffrent de la guerre que Poutine a déclenchée en Ukraine, ont tweeté les Pussy Riot. Nous allons acheter un NFT du drapeau ukrainien ».

 

La solidarité des artistes en France. En Ukraine, où la force de résistance des citoyens étonne le monde, un directeur de théâtre ukrainien lançait un appel sur les réseaux sociaux pour que le monde de la culture ne soit pas sacrifié. D’Odessa, le cinéaste russe Sergueï Eisenstein a rendu mémorable l’escalier monumental conduisant de la mer Noire vers la ville, dans son film Le cuirassé Potemkine. Dans cette ville, fondée au XVIIIe siècle par Catherine II, les membres de l'opéra sont sortis dans la rue pour donner un concert, interprétant, notamment, l'hymne ukrainien et Nabuchodonosor de Verdi.

En France, Lucie Berelowitsch, directrice du théâtre du Préau à Vire, en Normandie, est à l’initiative d’une pétition appelant les lieux culturels à la solidarité et à l'accueil des artistes ukrainiens. La metteure en scène a travaillé en 2015 avec les Dakh Daughters, un « cabaret punk » d’Ukrainiennes à la fois musiciennes et comédiennes, leur proposant « elles qui représentent l’Ukraine d’aujourd’hui, de tenir le rôle du chœur et celui d’Antigone ». En 2021, elle avait conçu un nouveau projet avec elles, les répétitions devaient débuter en avril, mais les Ukrainiennes sont restées dans leur pays. Lucie Berelowitsch, avec Stanislas Nordey, a alors lancé une pétition, qui a été signée par soixante-dix responsables de scènes de théâtre (voir ci-contre).

De leur côté, la trentaine de danseurs du Kiev City Ballet, arrivés en France la veille de l’invasion russe, ont trouvé asile au théâtre du Chatelet à Paris pour une durée indéterminée. Ils poursuivent leur tournée en France, tous les bénéfices des représentations sont reversés à la Croix Rouge en Ukraine.

Des manifestations de soutien les plus diverses sont annoncées aux quatre coins de l’Hexagone. Le musée des Beaux-Arts de Rouen, chaque mercredi et pour une durée indéterminée, organise une conférence sur l’Ukraine, « pour faire exister une culture qu’on essaie de faire disparaître » résume son directeur Sylvain Amic. « En même temps qu’il y a une urgence humanitaire, il y a une urgence culturelle », poursuit-il, entraînant dans son initiative plusieurs établissements de renommée internationale, Le Louvre, le musée d’Orsay, le Mucem…

La solidarité pour la culture ukrainienne et l’accueil de ses artistes ne fait que commencer avec une coordination mise en place entre les théâtres pour être efficace toute l’année.

Partager sur
Fermer