Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous
Mot de passe oublié ?Quarante auteurs et autrices, une dizaine d’artistes, tout autant de modératrices et de modérateurs, des personnes intervenant dans des domaines d’expertise extrêmement variés, une cinquantaine d’événements dans des lieux disséminés sur le territoire de la métropole du Grand Lyon, le programme du Littérature Live Festival 2023 est tellement foisonnant, multiforme, international et multisites qu’on ne sait peut-être pas par où commencer. Alors, autant prendre les choses par le bon bout, en partant de la chronologie et du contexte.
Toucher des lecteurs grâce à des expériences littéraires sensibles La troisième édition du Littérature Live Festival se déroule du 9 au 14 mai dans la capitale des Gaules et alentours avec une programmation confirmant ses orientations prises au creux de la vague Covid et des confinements excluant les lieux culturels de tout accueil du public. Ce qui était alors les Assises internationales du roman, organisées par la Villa Gillet, association culturelle portée par la région Auvergne-Rhône-Alpes et la ville de Lyon, se voulant Maison internationale des écritures contemporaines, se transforme en 2021 à l’initiative de l’équipe dirigée par la directrice fraichement nommée Lucie Campos en un événement 100% numérique. Tout aurait pu revenir à la « normale » une fois les contraintes sanitaires levées, sauf que la version numérique de l’événement a ouvert de multiples portes conduisant à diversifier l’offre faite aux publics. Elle a potentiellement permis de toucher des lecteurs, voire des non lecteurs, jusque-là étrangers à la manifestation, grâce à des expériences littéraires sensibles et nouvelles. Dès lors les Assises ont muté, sortant du virtuel imposé par la pandémie pour proposer de nouvelles approches, du direct y compris en VO sous-titrée, de nouveaux supports média, des approches collaboratives, collectives.
La Villa lachée par la région Auvergne-Rhône-Alpes Ce cheminement a priori vertueux a toutefois été entravé en plein exercice comptable de la Villa Gillet en 2022 par la suppression de la subvention de 350 000 euros versée par la région, pourtant porteuse du projet, à l’association qui le fait le vivre. Officiellement, il s’agissait de réorienter les aides régionales vers les festivals, notamment ceux organisés dans les zones rurales, plutôt qu’en direction des structures implantées dans les zones urbaines. Le centre national dramatique Nouvelle génération de Lyon, le centre chorégraphique de Rilleux-la-Pape ou le centre national de création musicale le Grame à Lyon, ont vu les subsides régionaux fondre ou carrément disparaître du jour au lendemain. Certains y ont vu avant tout des mesures « punitives » venant sanctionner des structures n’ayant pas fait acte d’allégeance envers le président de région Laurent Wauquiez. Quoiqu’il en soit la Villa Gillet a perdu au passage un tiers de son budget annuel dédié tout au long de l’année à des actions auprès des publics via les lycées, collèges, bibliothèques et médiathèques notamment et à deux événements de rayonnement international : le festival Mode d’emploi et le Littérature Live dont l’édition 2023, bien qu’ayant dû réduire sa voilure en rognant sur le nombre d’invités (un quarantaine au lieu d’une centaine en 2022) et sur ses actions notamment au niveau des scolaires, prétend malgré tout tenir son rang.
Un festival international de littérature Le festival est d’abord marqué par sa dimension internationale et démarre d'ailleurs par « les coups de cœur internationaux ». Parmi les invités, la Sénégalaise Felwine Sarr (Les lieux où habitent mes rêves – Gallimard 2022) et la Somalienne Ubah Cristina Ali Farah (Madre Piccola – Editions Zulma 2023 pour la version en Français) ouvriront le 9 mai pour une discussion autour du thème Les mille fils qui nous relient. Un peu plus tard, le 13, le Britannique Jonathan Coe (Le royaume désuni – Gallimard 2022) dont les récits mettent en scène le plus souvent des personnages romanesques dans le contexte social et politique de leur époque contemporaine, sera en conversation autour du thème Fiction non-fiction.
De grandes conversations en direct et en VO Ce volet de la programmation, bien plus vaste puisque comptant pas moins de douze invités convoque des écrivaines et écrivains venus également de Syrie, des États-Unis, de Russie, d’Allemagne, de Suisse ou encore d’Espagne. Leurs interventions en direct et en version sous-titrée pour les non-francophones croisent déjà divers angles d’attaque et divers formats proposés par le festival à commencer par Les grandes conversations. Des auteurs invitent le public à rentrer dans les mondes sur lesquels ouvrent leurs livres, aussi divers que les langues, les styles et les questions qui les traversent. Parmi les thèmes abordés certains sont d’ordre plus politiques et sociétaux (L’égalité, la discrimination et les mots pour le dire, Écrire pour démonter le temps, Résistance et Liberté), d’autres plus philosophiques (A qui appartient le passé, Le devenir de nos mémoires) ou encore plus littéraires (L’infinie possibilité de la fiction, Entre fiction et non fiction).
Les écrivains sentinelles Le festival convoque aussi « des écrivains sentinelles » au cour d’une soirée composée de deux dialogues entre l’écrivaine et journaliste Syrienne Samar Yazbek et la professeure de littérature comparée Catherine Coquio qui s’intéresse particulièrement à l’étude des génocides. Elles seront suivies par une conversation entre Justine Augier, écrivaines, enquêtrice, militante humanitaire et Olivier Mannoni, traducteur et journaliste. Ils échangeront sur le rôle des écrivains en tant que témoins ou rapporteurs de la situation dans leur pays. Samar Yazbek qui s’est impliquée dans ce qui aurait pu être une révolution dans son pays en 2011 a été arrêtée, détenue, interrogée avant de connaître l’exil. Son œuvre témoigne de sa propre expérience, mais elle est également nourrie des récits de personnes en exil de diverses nationalités. Pour elle l’écrivain sentinelle observe un devoir de mémoire, notamment pour les victimes civiles de conflits.
Les Irlande à l'honneur Parmi les autres temps forts de cette programmation 2023 on retiendra le Focus Irlande proposant une voyage entre Belfast la capitale politique de l’Irlande du Nord et Cork, « capitale » intellectuelle et gastronomique d’Irlande (du Sud). L’île abrite une scène littéraire foisonnante et une kyrielle de romanciers est annoncé : Jan Carson, Sabine Wespieser, Billy O’Callaghan, Lisé McInerney, Mike Mac Cormack notamment. D’os et de lumière, roman publié par ce dernier en 2016 amènera Nicolas Richard, écrivain et traducteur de nombreux artistes (Richard Brautigan, Woody Allen, David Linch, Truman Capote.. entre autres), aidera à mieux comprendre ce qu’est l’acte de traduction, ce qui s’y joue pour la restitution de l’œuvre initiale.
Scène poétique pour l'Ukraine Une scène poétique d’Ukraine est dédiée à ce pays agressé, avec la lecture de textes par Marina Skalova, écrivaine française née à Moscou et par Heike Fiedler, performeuse auteure de réalisations visuelles et sonores. Le Festival joue aussi un rôle de défricheur invitant dans le cadre de ses Scènes découvertes des auteurs venant pour certains pour la première fois en France et peu, ou pas connu jusque-là. C’est aussi des formats hybrides avec La Villa sonore avec des enregistrements audio et des écoutes collectives et commentées. C’est aussi des ateliers d’écriture, une fiction sonore (La dernière nuit d’Anne Bonny) donnée en clôture avec Arte radio. Il ne faut pas oublier non plus la sélection des lycéens, issue d’un travail au long cours réalisé tout au long de l’année avec les scolaires du territoire et leurs professeurs. Bref, six jours de littérature en direct une grande intensité.