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Yordan Goldwaser répand la brume avec laquelle Viripaev écrit nos vies

par Véronique Giraud
Pauline Huruguen alias Sarra et David Houri alias Robert dans Les guêpes de l'été piquent même en novembre, dans la mise en scène de Yordan Goldwaser © Lucie Gautrain
Pauline Huruguen alias Sarra et David Houri alias Robert dans Les guêpes de l'été piquent même en novembre, dans la mise en scène de Yordan Goldwaser © Lucie Gautrain
Arts vivants Théâtre Publié le 09/07/2024
L’écriture fantasque d’Ivan Viripaev se délecte des méandres dans lesquels nos esprits se perdent parfois pour mieux se trouver. « Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre », dans la mise en scène de Yordan Goldwaser, renvoie la musique de ses mots dans une rare intimité avec les comédiens. Éblouissant !

Markus était-il chez Donald ou chez Sarra lundi dernier ? Chacun affirme avoir passé la soirée avec Markus, ce dernier ne pouvait pourtant pas être en deux endroits à la fois… Robert, frère de Markus et mari de Sarra, veut à tout prix connaître la vérité et tient à écouter les deux versions. Les détails évoluent, la vraisemblance aussi, les répliques fusent et déclenchent les rires, entre affirmation péremptoire d’un côté et justification confuse d’un autre.

Ainsi débute Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre, la pièce du grand dramaturge russe Ivan Viripaev (né en 1974). Répétitions, variations sur un même thème sont le moteur de son œuvre. Dans les multiples reconstitutions, mensongères ou non, de cette fameuse soirée, avec l'appui de témoins appelés au téléphone, l’allégation répétée « on a un peu fumé ici, enfin, tu sais bien quoi. Je ne veux pas en parler au téléphone... enfin tu sais bien, enfin quand on a fumé ça, alors..., enfin... enfin ce ne sont pas de simples cigarettes, mais tu comprends bien lesquelles » peut laisser penser que les trois protagonistes sont en train de vivre un trip. L’obsession de vérité de Robert, l’invention de scénari contradictoires proposés par Sarra et Donald débutent avec tous les ressorts de la comédie avant de virer dans l’absurde et de plonger dans des brumes existentielles. Empêtrés dans leurs raisonnements vertigineux dans lesquels la foi religieuse, l’amitié, l’amour, la psychothérapie sont convoqués tour à tour, chacun finit par lever le voile sur son intime. Jusqu’à se réconcilier dans une joyeuse séance de chatouilles.

 

Un labyrinthe. Cette piste vers la vérité est un labyrinthe semé de dissimulations, d’hésitations, de demi-tours, d’illusions aussi. Dans un décor nu, mis à part un piano dont les tonalités ne se révèlent que tard dans le déroulement de la pièce, les trois comédiens adoptent une gestuelle d’une grande sobriété. Tout tient à l’expression de leurs visages, de leurs regards, intenses ou perdus dans le vague. Leur voix est le fil d’Ariane pénétrant le labyrinthe d’esprits en mal de croyance.

Difficile alors d’imaginer les dialogues de Viripaev dits en frontal et perdus dans l’immensité d’une salle. La mise en scène de Yordan Goldwaser, dont la compagnie se nomme La nuit américaine sert parfaitement le propos de Viripaev. À la fois homme de théâtre, scénariste et réalisateur, il se distingue par une esthétique théâtrale très cinématographique. Les trois comédiens si justes dans leurs expressions, s’écoutent, se menacent, échangent comme on le ferait dans son salon. La proximité avec leurs visages renforce le mystique des monologues et rend audibles des répliques abscons telle « Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre » ou obsessionnelles quand il s’agit de la pluie, de ses gouttes qui claquent, et qu’à cause d’elle une vie peut être brisée. Ces images délicieusement modelées par Viripaev voilent et dévoilent avec humour et poésie les chaos de l’humanité.

 

Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre, texte Ivan Viripaev. Mise en scène Yordan Goldweiser, Cie La nuit américaine. Avec David Houri, Pauline Huruguen, Barthélémy Méridjen et Sébastien Dubourg.

MAIF espace étoile, départ depuis le théâtre du Train Bleu Avignon à 13h45, du 3 au 21 juillet, relâches les 8 et 15 juillet.

 

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