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Mot de passe oublié ?C'est un auteur qui intéresse les metteurs en scène. Cet été deux pièces d’Ivan Viripaev était données dans le Off d’Avignon. L’une par Yordan Golwaser, l'autre par Clément Poirée. Le premier à avoir fait connaître, dans sa Bulgarie natale, puis en Belgique et aujourd’hui en France, cet auteur russe cinquantenaire est Galin Stoev. Le metteur en scène a même fait de l'écriture de Viripaev le moteur de son théâtre. Il reprend Illusions, une pièce qui bouscule en nous parlant d'amour.
Un théâtre de relations. Comme souvent avec Viripaev, le couple est au centre d’un théâtre de relations où l’humour flirte avec l’aléatoire. Dans Illusions, deux couples octogénaires vont déclarer, confirmer, un demi-siècle d’amour. L’amour, impossible « s’il n’est pas réciproque » comme il est dit à plusieurs reprises, entraine des scènes inattendues, qui font tomber les masques. Viripaev est un poète auquel le réel importe peu. Le concept de l’amour, qu’il traite sans désinvolture mais disperse par la voix d’un personnage à un autre, revient comme un boomerang dans les gradins de la salle. Car tout ce que le spectateur peut projeter de l’amour et de l’amitié vole en éclats sur une scène vide qu’éclairent six lampadaires mobiles. À cette singularité, Galin Stoev en ajoute une autre, magique, remarquablement bien imaginée et qui sert à merveille le texte. Les quatre octogénaires ne sont pas joués par quatre personnes, mais par six jeunes acteurs et actrices qui alternent évidemment, jouant les voix off et tous les personnages sans qu’à aucun moment le spectateur perde le fil dans ce texte qui coule, fait rire, fait réfléchir et met à distance le sérieux, les gens qui ont l'assurance que les dés sont jetés, bref ceux qui pensent que la vie est un long fleuve charriant des certitudes auxquelles il suffirait de croire pour vivre heureux.
L’adresse au public est un autre dispositif qui sert le théâtre de Viripaev. Galin Staev y veille, choisissant des comédiens capables de porter en eux la vivacité d'esprit du dramaturge russe. Aux premiers moments de la pièce, un comédien s’avance seul face aux spectateurs, d’abord narrateur puis Marcel qui, sur son lit de mort, fait à celle qui est son épouse depuis plus de cinquante ans une longue déclaration d’amour. Sous l’emphase de l’octogénaire on sent poindre la conviction de la réciprocité d’un tel amour. Et c’est là que le démiurge Viripaev se révèle. Avec des dialogues plus surprenants les uns les autres, coexistant sans jamais se contredire, où toute recherche de sens est vaine.
Pas de place pour les formules posées, les six jeunes acteurs et actrices, tous magnifiques, portent une pensée sans faille, font vibrer leurs corps d’une rare souplesse de l’esprit. On exulte !
Illusions. Texte de Ivan Viripaev, traduit par Tania Moguilevskaia et Gilles Morel. Mise en scène de Galin Stoev. Avec Marine Déchelette, Mathieu Fernandez, Élise Friha, Marine Guez, Alice Jalleau, Thomas Ribière et Julien Salignon. du 5 au 14 février.