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Mot de passe oublié ?« Cloaca » de Wim Delvoye, études préparatoires d’une machine à déconsommer
Wim Delvoye est un artiste flamand dont l'œuvre très politique peut s’appréhender par le spectre de l’humour. Sa création la plus spectaculaire a pour nom Cloaca, dite « Machine à caca ». Conçue très sérieusement avec l'aide d'experts et de techniciens dans les années 2000, elle fonctionne parfaitement. Cloaca a fait le tour du monde des plus grands musées mais c’est la première fois que les études préparatoires sont montrés au public. Une sélection de l’immense série de ces dessins et études techniques, qui ont précédé la conception de la machine, sont exposés à La Panacée, centre d’art de Montpellier, jusqu’au 27 août. D’une planche à une autre, on comprend le procédé d’une machine gigantesque qui, partant de la bouche à l’anus, reproduit le système digestif humain. La matière fécale extraite étant destinée à être commercialisée, les études marketing du produit prolonge celle de l'ingénierie.
Une œuvre souriante. Si le sourire vient vite en regard du trésor d’imagination et d’ingéniosité appliqué à un projet si trivial, on ne peut qu’admirer la détermination virant à l’obsession de l’artiste et son talent de dessinateur. Cette série pourrait devenir répétitive, elle est toujours étonnante, grâce à un détail, une légende, un détournement de sens improbable. Œuvre inclassable, elle témoigne de la singularité de Wim Delvoye qui, avec d’autres artistes flamands, Jan Fabre, Alain Platel, Yan Lawrens ou Anne Teresa de Keersmacker, a insufflé un nouvel élan à la création contemporaine.
D’autres de ses grandes créations procèdent tout autant de la dérision, comme le montrent à Montpellier quelques dessins exemplaires où Wim Devoye pratique avec obstination le détournement de logo. Inspiration critique des images populaires des sociétés empires de la consommation, mettant en situations Mr Propre, Walt Disney, Mastercard ou autre Warner Bros, il s’agit aussi pour l’artiste d’un exercice qu’il s’applique à lui-même, ou plus exactement à la société qu’il a créée en Chine. Détournant les formulaires d’actions et d’obligations aux couleurs des sociétés les plus prestigieuses, il invente avec dextérité des illustrations au crayon de couleur des titres de sa propre compagnie, Cloaca Investment, dont le siège est basé à Pékin depuis quelques années. L’objet de la société est inédit et on comprend que seule la Chine ait pu en accepter la création : il s’agit d’une entreprise de tatouage de porcs. Les tatoos, reproduisant sur le postérieur des omnivores les logos des sociétés capitalistes. Un bel exemple de contestation politique et de provocation qui n’a pas eu l’heur de plaire aux ardents défenseurs de la cause animale. En artiste total, Wim Devoye a réalisé, pour l’entreprise pékinoise et pour son atelier de Gand, un élégant portail en fer aux armoiries prestigieuses, où l’on retrouve entre autres le puissant Mr Propre. Une maquette du portail et ses trois vantaux est présentée ici sur une table, son ouverture et sa fermeture en permanence actionnées par un pivot.
Si l'exposition Cloaca s'achève le 27 août à Montpellier, l'actualité de Wim Devoye ne s'arrête pas là puisqu'il vient d'être choisi parmi une douzaine d'artistes internationaux pour réaliser une sculpture en hommage à François Arago, suite à l'appel lancé par l'association ARS Arago. Elle fera face aux socle vide, gardant en mémoire l'emplacement de la statue érigée en 1814 puis fondue par les Allemands en 1942. Ici, l'artiste s’est inspiré de la sculpture originale, en lui faisant subir une torsion « mathématique ». Il se réfère aux lois physiques de la nature, que François Arago avait prises comme objet d'étude. A travers l’image de cette force centrifuge, il crée une icône qui rend hommage au scientifique visionnaire et qui célèbre sa croyance inébranlable dans le partage des connaissances. La nouvelle sculpture sera inaugurée dans les jardins de l'Observatoire de Paris le 2 octobre, date anniversaire de la mort de François Arago et à l'occasion des 350 ans de l'Observatoire.
Wim Delvoye - Cloaca, les études préparatoires (2000 - 2010). Exposition au Centre d'art La Panacée de Montpellier, du 20 mai au 27 août.
