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75e Festival d’Avignon, croire au grand rendez-vous de l’art vivant

par Véronique Giraud
L'affiche du festival d'Avignon 2021 est une composition signée Théo Mercier. DR
L'affiche du festival d'Avignon 2021 est une composition signée Théo Mercier. DR
Arts vivants Théâtre Publié le 26/03/2021
Le 25 mars à 14h, en direct de la Fabrica, Olivier Py a présenté virtuellement la programmation de la 71e édition du Festival d’Avignon. Les perspectives artistiques de la plus grande manifestation théâtrale d’Europe redonnent l’espoir de retrouvailles avec l’art vivant.

Il y avait un petit air d’avant au rendez-vous de la Fabrica où était présentée la programmation du 71e festival d’Avignon. Un petit air d’avant le coronavirus, chacun décidé à y croire, d’Olivier Py, directeur de l’événement, aux artistes programmés, qui apparaissaient en courtes vidéos pour présenter leur création. Le lourd nuage du doute et de l’annulation, qui plane désormais sur tout projet, a été balayé de deux dates : du 5 au 25 juillet, celles de retrouvailles avec l’art vivant. Parmi les quelques 700 internautes fixant leur écran sur ce direct, nombreux voulaient y croire aussi, d’autres, comme en ont témoigné les questions de journalistes, avaient besoin d’assurance, de prévision, d'alternatives. Mais ce qu’il faut retenir de cet exercice auquel Olivier Py est passé maître, c’est la profusion des esthétiques et des propositions d’artistes qui, alors que les salles sont fermées depuis des mois, œuvrent en coulisses.

 

Une pléiade d'esthétiques. Chacun des artistes a aiguisé notre curiosité, notre soif de nouveau, notre envie d’entendre la respiration des acteurs sur scène. Beaucoup sont déjà venus à Avignon, pour d’autres c’est une première. Après l’annulation de 2020, quelques-uns ont pu être reprogrammés. Des écritures contemporaines, celle de Marie Dilasser, choisie par la metteure en scène Laetitia Guédon pour dire le lien avec le pouvoir et la puissance qu’entretiennent les femmes aujourd’hui, celle de Fabrice Murgia qui renouvelle une collaboration avec l’écrivain Laurent Gaudé, celle de Caroline Guiela Nguyen pour un conte fantastique invoquant la disparition d’une communauté humaine et la douleur de l’absence, celle d’Eugène Durif qui, avec Mister Tambourine Man, compose une ode à la douleur du fugace et aux accidents merveilleux que provoquent la poésie. Plus rarement des textes devenus classiques, tel La Cerisaie de Tchekhov dont Tiago Rodrigues a voulu explorer « l’idée d’un temps qui vient » avec Isabelle Huppert, ou l’énergie subversive d’Offenbach convoqué par Victoria Duhamel pour Le 66 !, une pièce qui moque les vicissitudes de l’appât du gain. Des esthétiques engagées, comme celle de l’Africain du sud Brett Bailey qui revisite en musique et en danse l’histoire de la violence, cette fois à travers le mythe de Samson, de Christiane Jatahy qui revient expérimenter ce qu’est être spectateur avec Entre chien et loup, d’Anne-Cécile Vandalem qui conte l’échec d’une communauté devenue impossible, d’Eva Doumbia qui, avec Autophagies, traite de la question de la colonisation en passant en revue notre alimentation, d’Emma Dante qui offre deux nouveaux portraits de femmes, de Phia Ménard qui interroge une nouvelle fois l’identité, le corps et la matière qu’a construits l’Europe.

 

Écritures de femmes. Les écritures et mises en scène d’artistes femmes atteignent presque la parité, fait remarquer Olivier Py qui ajoute que « la question intergénérationnelle et féminine, la sororité sont très présentes dans cette édition ». Les questions de l’échec, des violences, celles d’hier sur lesquelles des communautés se sont construites et qui ne doivent pas être ignorées, celles d’aujourd’hui qui doivent être dénoncées et combattues, de la difficulté de vivre ensemble, de la nécessité de renouveler les points de vue, de s’enrichir des différences, sont autant de moteurs de ces productions contemporaines. L’art les transcende, mais n'est pas là pour refermer la plaie. Les artistes femmes réveillent les consciences, elles ont conquis leur place sur les planches.

 

Des propositions qui donnent du sens. « Le spectacle vivant a besoin de renaître », « Il n’y a pas de danger particulier dans les salles de spectacle », assène avec calme Olivier Py qui a placé cette 71e édition sous le thème : Se souvenir de l’avenir. Un thème que le bientôt centenaire Edgard Morin relèvera devant les festivaliers lors d’un entretien, prévu le 13 juillet dans la cour d’honneur, avec le journaliste Nicolas Truong. On sait l’engagement d’Olivier Py auprès des prisonniers, il travaille avec eux, et les programme même au Festival. Cette année, pandémie oblige, l’échange n’aura pas lieu physiquement, mais une série de prises de vue de Grégoire Korganow témoignera d’une autre manière de l’incarcération. Le photographe a engagé ces dernières années un long travail pour amener les yeux du monde vers l’humanité des prisonniers, il présentera dans l'église des Célestins Proche, une série d'images produites par l'envie de saisir la relation entre les lieux d’enfermement et leur proche environnement. Enfermement, environnement, deux termes qui ramènent aussi à la condition vécue par un premier confinement il y a une année.

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