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La Maison Maria Casarès ouvre sa scène à Poitiers avec Tartuffe

par Véronique Giraud
Yannick Jaulin et Johanna Silberstein dans une scène de Le Tartuffe ou l'Hypocrite, mis en scène par Matthieu Roy, au Festival d'Été à la Maison Maria Casarès, le 25 juillet 2022. ©Joseph Banderet
Yannick Jaulin et Johanna Silberstein dans une scène de Le Tartuffe ou l'Hypocrite, mis en scène par Matthieu Roy, au Festival d'Été à la Maison Maria Casarès, le 25 juillet 2022. ©Joseph Banderet
Johanna Silberstein et Mathieu Roy sous les voûtes de la nouvelle salle de spectacle de Poitiers, la Scène Maria Casarès © Christophe Raynaud de Lage
Johanna Silberstein et Mathieu Roy sous les voûtes de la nouvelle salle de spectacle de Poitiers, la Scène Maria Casarès © Christophe Raynaud de Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 14/09/2023
La Maison Maria Casarès a évolué en un lieu de création, de résidence et de festival en Charente. En septembre, une nouvelle ère s'ouvre pour elle avec l'inauguration en septembre à Poitiers de la Scène Maria Casarès. Avec Johanna Silberstein, qui codirige les deux lieux, retraçons cette belle aventure, à la fois patrimoniale et théâtrale.

Johanna Silberstein dirige avec le metteur en scène Mathieu Roy la Maison Maria Casarès. En reprenant en 2017 ce lieu niché au cœur de la Charente limousine, à Alloue, ils ont développé un centre culturel et convivial dont le cœur vibre chaque été avec son festival. Pendant quatre semaines, dans le domaine que la grande comédienne a légué à la commune d’Alloue, trois spectacles sont donnés du lundi au vendredi. À l’issue des représentations, les spectateurs se font convives autour des tables dressées pour le partage d’un repas concocté avec des produits locaux. La question de la gastronomie s'est imposée très vite dans cette terre agricole et d’élevage qui forge la dynamique de la Charente limousine. " On s’est très vite dit qu’il fallait lier l’activité de la maison à celle de la nourriture. On s’est liés aux producteurs locaux pour créer ces apéros spectacles, diners spectacles, goûter spectacles. Et produire autrement des spectacles" précise Johanna. En sept ans, les visiteurs ont adopté la formule, et l’affluence n’a cessé d’augmenter. « La première année, en 2016, nous avons eu mille entrées. Pour la 7ème édition du festival, nous avons eu 6 700 spectateurs-convives » se réjouit la directrice.

Aujourd’hui entièrement rénovée, la maison dont Maria Casarès a fait pendant trente-sept ans son lieu de repos, à l'écart de l'agitation de la ville, s’ouvre à nouveau aux visiteurs. Ils y découvrent son décor, ses meubles, ses souvenirs, ses livres, des affiches de spectacles, l’intimité préservée d’une comédienne qui aura marqué son temps et le théâtre et laissé derrière elle les échanges épistolaires avec son grand amour, Albert Camus. Un parcours agrémenté de cette correspondance est d'ailleurs proposé dans le parc du domaine.

Le site est fermé l’hiver. Au printemps et à l’automne, il offre ses espaces aux résidences d’artistes. Sont accueillies aussi les Jeunes pousses, « que nous accompagnons dans leur insertion professionnelle de metteur en scène sortant d’écoles ou de formations. Cet accompagnement s’étend maintenant sur deux ans, du projet à l’état de dossier jusqu’à l'aboutissement de leur création, explique la comédienne. Ce qui est important c’est que leur spectacle existe, à la Maison Casarès ou dans un autre lieu. On organise les rencontres Jeunes pousses à destination des scolaires, du public et une journée réservées aux professionnels. À l’automne, nous accueillons aussi en résidence des compagnies régionales, ainsi que des auteurs de théâtre vivants, avec un accompagnement à l’écriture. »

Le logis de la propriété est en cours de réhabilitation. Il dispose aujourd’hui de huit chambres, auxquelles s’ajouteront cinq autres quand sa rénovation sera terminée l’été 2024. « Le projet est de les louer en chambres d’hôte pendant le festival et le reste de l’année qu’elles accueillent les artistes en résidence », de Charente et d’ailleurs.

 

Petite sœur de la maison mère. Fort de cette expérience, le duo a souhaité la déployer dans cette région, anciennement Poitou-Charente, et a cherché quelque temps un beau lieu patrimonial à réhabiliter pour ajouter à l’espace de création qu’est la maison un espace de diffusion et… de restauration. « Notre expérience de la maison Maria Casarès nous a sensibilisé à toutes les questions patrimoniales, de restauration, d’entretien. Nous ne voulions pas d’un nouveau bâtiment, d’autant qu’à Poitiers il y a énormément de bâtiments vides, abandonnés. C’était davantage écoresponsable de réinvestir un bâtiment existant. » C’est donc sur une ancienne caserne militaire de Poitiers, chef-lieu de la Vienne, que leur choix s’est fait. « Ce sont deux bâtiments mitoyens dans les anciennes écuries de la caserne militaire. Ils font face au rectorat, déjà aménagé dans un bâtiment réhabilité de la caserne. Il s’agit de deux hautes salles voûtées d’une superficie chacune de 230 m2. Un des bâtiments est adossé à un des plus vieux cinémas d’art et d’essai de France, qui porte le nom d’une autre grande actrice, le Dietrich." Les deux travées sont aménagées en une salle de spectacle, avec une jauge modulable de 96 places, et une salle de restauration, avec salle de réunion. L’entrée se fera avec un billet spectacle / dîner (entrée, plat, dessert) pour 30 euros.

Le concept du spectacle/repas leur semble aller de soi dans une région où les distances peuvent être dissuasives et où les producteurs locaux ne demandent qu'à se développer. Les deux artistes ne sont pas devenus pour autant restaurateurs. Ils appliquent une recette qu’ils ont glanée alors que la troupe était en répétition à Bordeaux. « Nous avons été formés auprès d’un chef, auteur d’un concept de cuisine en bocal. Aisément transportable, ne nécessitant pas une grande cuisine sur place, confectionné pour se conserver plusieurs jours, le concept a été adapté et proposé aux producteurs locaux du département." De plus, ce quartier de la ville où se trouve, outre le rectorat et le cinéma, le conservatoire, ne dispose d’aucun lieu de restauration. D’où l’envie d’ouvrir La scène Maria Casarès au moment du déjeuner aux gens travaillant ou habitant dans le quartier, avec une offre de restauration en bocal. « Cette manière de cuisiner et de présenter entrée, plat, dessert nous permettra de sortir 96 repas en simultané. Tout aura été cuisiné dans la journée, cela ne nécessite pas un service énorme. Les gens qui viennent au moment du déjeuner peuvent emporter leur repas pour le consommer sur leur lieu de travail s’ils le souhaitent et ramènent les bocaux. Cela nous permet aussi de livrer une fois par semaine la Maison Maria Casarès pour les repas des artistes en résidence ces bocaux confectionnés avec des produits locaux qui ont une durée de conservation de quinze jours. La maison Maria Casarès est la maison mère, La scène Maria Casarès la petite sœur, c’est aussi le pilier urbain du pendant rural. Un lieu nourrira l’autre et vice-versa ».

 

La scène Maria Casarès sera inaugurée le 21 septembre avec un spectacle de troupe qui réunit de fidèles comédiens et amis de la compagnie Les Veilleurs pour servir Molière. C’est l’œuvre majeure de ce dernier, Le Tartuffe où l’hypocrite, dans sa version la plus proche de l’originale (refusée par la cour de Louis XIV, qui obligea Molière à supprimer l’un des actes pour ne point froisser la susceptibilité du clergé) que Georges Forestier a retranscrite et adaptée, que Mathieu Roy a choisie. « Mathieu rêve depuis sa sortie de l’école de monter la version la plus proche de la version d’origine de Tartuffe. Il n’a d’ailleurs jamais monté un texte classique, aujourd’hui il se sent légitime et la version de Georges Forestier arrive à point nommé. C’est une version qui va très vite, la pièce ne dura pas plus d’une heure. Le texte est limpide, et Tartuffe sort gagnant ». La pièce a été jouée avec un grand sucès au festival 2022, pour le centenaire de Maria Casarès. « Nous ouvrons ainsi le nouveau lieu de Poitiers avec une vraie pièce de troupe ». Elle est composée, entre autres, de François Marthouret (Orgon) qui avait déjà ouvert les Bouffes du Nord à Paris en 1974 avec Peter Brook, Yannick Jaulin (Tartuffe) fondateur du festival de Pougne-Hérisson dans les Deux-Sèvres, Sylvain Levey (Cléante) également auteur de théâtre, Johanna Silberstein (Elmire). « C’est une troupe intergénérationnelle réunie par une grande passion pour le théâtre, et un classique très politique puisqu’il fait réfléchir sur les questions d’emprise, de manipulation, de spiritualité ». Ce grand écart, entre les quatre-vingt printemps de François Marthouret et les vingt-cinq ans d’Ysanis Padonou, a quelque chose de réjouissant, de réconfortant même quand à la longévité de l’art vivant. Pour Poitiers, la rentrée a un bel air de nouveauté. Patrimoniale d’abord avec la réhabilitation de sa caserne désaffectée, et artistique avec la promesse d’un lieu qui, après Molière du 21 septembre au 15 octobre, se tournera vers des écritures contemporaines : Gros de Sylvain Levey et Je suis un lac gelé (notre article) que Sophie Merceron a écrit pour le jeune public.

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