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Jean Varela : « Sans bouger, la cage de scène se renouvelle en permanence »

par Véronique Giraud
Jean Varela © Marie Clauzade
Jean Varela © Marie Clauzade
Arts vivants Théâtre Publié le 13/04/2022
Comédien, directeur de théâtre, Jean Varela dirige depuis 2011 Le Printemps des Comédiens à Montpellier. Le festival, qu'il accompagne de son amour pour le théâtre et les compagnies, évolue avec les nouvelles formes de l'art vivant. Il nous en parle.

La notion d’Europe traverse-t-elle plus particulièrement cette édition du Printemps des Comédiens ?

Le festival n’a pas de thème, pas de fil rouge, mais veut montrer un état possible du théâtre en France et en Europe. Au-delà même, puisque nous accueillons cette année une compagnie argentine. Nous invitons des artistes et des compagnies qui nous semblent importants dans le paysage d’aujourd’hui. Avoir la possibilité de présenter la Comédie-Française, une des seules troupes en France de répertoire, et, deux autres grandes maisons, la Schaubühne et la Volksbühne qui ont aussi cette tradition, est un ravissement et nous semble évident.

On va voir en Europe le théâtre tel qu’il se fabrique ou ne se fabrique pas. Du coup on peut constater les pays où l’amoindrissement des politiques publiques a dévasté des traditions de théâtre et où nos camarades sont en grande difficulté. C’est le cas en Italie et en Espagne. Les productions ont moins de moyens et de temps qu’en France, le niveau d’aides des territoires est incomparable.

 

Comment considérer la place de l’art vivant en cette période troublée ? Doit-il afficher un engagement ?

Le théâtre est par essence politique, engagé. Se positionner sur un plateau pour faire entendre un texte du répertoire ou d’aujourd’hui, c’est un acte politique. Dans le festival, on trouve un théâtre engagé avec la performance de Marina Otero et celle de Steve Cohen, Strip de Julie Benegmos et Marion Coutarel, la création de Leonardo Manzan, Molière et son Tartuffe. Ce sont autant de combats et de réflexions sur le monde.

Les questions de genre, d’identité, de mémoire, sont évoquées en permanence dans les spectacles. Parmi les spectacles de l’ENSAD, Métamorphoses d’Aurélie Leroux, c’est comment vivre dans un corps qu’on n’a pas choisi. Certaines maquettes du Warmup également, celle du collectif belge Wow ! qui travaille sur la façon de donner corps à un jeune handicapé, celle de Lena Paugam sur l’identité et l’inceste. Tout cela traverse le débat public et le travail au plateau.

 

Des metteurs en scène ne passent pas forcément par la formation théâtre, les esthétiques explosent avec les progrès du numérique. Est-ce au théâtre que de plus en plus d’univers se rejoignent ?

L’histoire du théâtre c’est la capacité de cet art à prendre en compte les nouvelles technologies. Depuis les Grecs qui ont inventé la machinerie, faisant gronder les gradins pour simuler l’orage qui précédait l’apparition des dieux, éblouissant le spectateur en jouant avec les reflets du miroir aux Sabatini, constructeurs de navires au XIXe siècle qui ont amené la machinerie des théâtres à l’italienne, envols, apparitions, disparitions… Ensuite l’utilisation du gaz pour fabriquer la lumière et jouer avec les ombres, puis l’électricité. L’utilisation de la vidéo au théâtre a au moins trente ans, jusqu’à ce que Guy Cassiers, Cyril Teste, Julien Gosselin sachent trouver un espace spécifique à l’image en direct qui augmente cet espace qu’est la cage de scène, qui ne bouge pas et portant se renouvelle en permanence. Ou encore Simon Mc Burney qui, avec The Encounter, parlait à nos oreilles grâce à des casques connectés, et qui aujourd’hui mixe écrans, téléphones portables et autres technologies pour raconter Michael Kohlhaas de Kleist.

La capacité du théâtre et des artistes à utiliser les nouvelles technologies fait consensus avec l’histoire du théâtre. Il n’y a pas de révolution. C’est la révolution permanente. Alors que rien ne bouge.

 

Vous parlez de point de contact…

Le point de contact est très important au théâtre, on ne le prend pas assez en compte. C’est l’endroit précis où votre attention de spectateur ou de spectatrice va rencontrer l’énergie du plateau. Je recommande aux spectateurs qui sont abonnés à un théâtre de changer de rang et de position dans la salle. Vous allez distinguer les choses différemment, solliciter votre acuité. C’est la même chose dans la vie quotidienne. Quand les spectateurs viennent au Domaine d’O, ils disent : c’est beau ! Or il y a des choses qui ne sont pas belles au Domaine d’O, qu’il faut repenser. Et ce qui est beau les gens ne le voient plus parce que la force de l’habitude amoindrit notre regard.

 

Partie connexe au festival, Warmup rapproche des théâtres d’ailleurs, le Théâtre de la Cité - Toulouse, le festival Actoral à Marseille. Comme se matérialisent ces échanges ?

L’an dernier nous avons accueilli en septembre un projet porté par le Théâtre de la Cité. Cette année, le metteur en scène Lena Paugam propose une maquette dans le Warmup de juin, portée aussi par le Théâtre de la Cité. Nous avions accueilli, en septembre également, Actoral avec un projet qui a d’ailleurs été créé juste après à Marseille. Nous sommes attentifs les uns aux autres.

Le Warmup ce sont des maquettes de 35 minutes. C’est un endroit d’essai, où l’échec est possible. Une équipe a une intuition artistique, on lui donne le plateau une semaine, avec les moyens économiques et techniques et, au bout de la semaine, elle présente un état de son travail. Ça peut être un état très abouti, ou un état à atteindre. Cela permet à l’équipe et aux professionnels présents d’aider à prendre une décision : aller plus loin avec ce projet, l’arrêter, ou inciter un directeur à l’accompagner en production.

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