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Mot de passe oublié ?Robin Renucci met Andromaque en abîme
La création date d’un peu plus d’un an, montée et mise en scène par Robin Renucci avec les Tréteaux de France. Programmée au festival Off Avignon jusqu’au 17 juillet elle y fait un passage remarqué. Après Bérénice et Britannicus, le comédien et metteur en scène signe, avec Andromaque, sa troisième interprétation d’une œuvre de Jean Racine en trois ans. Un spectacle à couper le souffle tant par sa mise en scène que par la direction donnée aux acteurs et le jeu de ces derniers.
L’insoluble quadrature d’un cercle amoureux. L’histoire reste immuable. Pyrrhus, roi d’Épire, aime Andromaque, la veuve d’Hector tué à Troie. Il la retient captive avec son fils Astyanax quand arrive Oreste. Ce dernier vient, au nom de la Grèce, réclamer le fils d’Hector. Mais Oreste aime Hermione, future épouse de Pyrrhus, qui aime Pyrrhus, tandis que ce dernier aime Andromaque qui, elle, reste fidèle à la mémoire de son époux défunt. Une véritable quadrature d’un cercle amoureux, autour duquel vont se jouer de sombres intrigues et tractations, mais un cercle complètement insoluble, qui nécessairement, mènera à la tragédie.
Un récit à suspens. Robin Renucci voit dans ce drame tout à la fois une intrigue policière avec « un récit à suspens », la présence de figures allégoriques exprimant l’amour, l’engagement, la promesse, le mensonge, la fidélité et la politique. « La dernière entrée qui guide en grande partie mon travail autour des œuvres de Racine est la prosodie. Il s’agit de déployer un minimum de moyens pour rester dans la pureté de l’œuvre qui réside essentiellement dans les trois unités : de temps, de lieu et d’action » explique-t-il.
Un plateau nu. Pour parvenir à ses fins nul besoin d’artifice. L’artiste imagine un plateau nu avec pour seul décor un tapis circulaire. Les acteurs y évoluent quand ils jouent leur scène, puis vont s’asseoir sur des chaises installées côtés cour, jardin et lointain, en attendant de revenir sur ce qui apparaît, au fur et à mesure que le récit gagne en intensité, comme une arène où se referme le piège de la tragédie.
Le texte et ses alexandrins règnent en maître. Ce dénuement a deux effets très vertueux. Le premier, il épargne au spectateur les artifices qu’un décor somptueux qui pourrait le distraire et l’éloigner de l’essence même de la pièce, tout en lui offrant une place sur le plateau, sur les sièges de face et, en lui laissant sa part d'imaginaire. Le deuxième est que, dans cet espace minimaliste, le texte et ses alexandrins finement ciselés règnent en maître, entraînant le spectateur dans une spirale où la tension va crescendo, jusqu’au tragique dénouement final.
Une œuvre remarquablement servie par ses acteurs. Les intentions annoncées par le metteur en scène sont d’autant plus évidentes que le texte est servi par une troupe d'acteurs aux talents d’interprétation parfaitement homogènes. Une partition d’ensemble jouée à la manière d’une symphonie, dans laquelle chaque instrument apporte à l’autre les ingrédients indispensables à l’harmonie de l’ensemble. Si chacun joue son rôle à la perfection, un personnage se distingue, tant par son rôle dans l’accomplissement de la tragédie que par l’interprétation de la comédienne qui lui donne chair. Marilyne Fontaine incarne ici l’orgueilleuse, jalouse et manipulatrice Hermione. De son ultime, passionné et bouleversant monologue, elle sort à bout de souffle et rougie. Elle y met toute la fougue d’une comédienne au sommet de son art, jouant à leur paroxysme les émotions contradictoires qui traversent ce personnage.
Andromaque, de Jean Racine, mise en scène Robin Renucci avec dans les rôles principaux Chani Sabaty, Sylvain Méallet, Julien Léonelli, Marilyne Fontaine. Théâtre du Chêne noir, jusqu’au 17 juillet au festival Off d’Avignon.
Andromaque en tournée le 28 juillet 2022 à 18h, Château de Châteaudun (Eure-et-Loir).
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