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Kirill Serebrennikov condamné, mais libre

par Élisabeth Pan
Kirill Serebrennikov © Dasha Yastrebova
Kirill Serebrennikov © Dasha Yastrebova
Arts vivants Théâtre Publié le 29/06/2020
Condamné vendredi 26 juin, l’homme de théâtre moscovite est donc libre. Un jugement clément qui n’en reste pas moins contestable.

Opposant au régime, poursuivi pour un détournement de fonds que lui et son comité de soutien ont toujours nié, le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov a été condamné à trois ans de prison avec sursis vendredi 26 juin. Verdict plutôt clément si l’on se réfère au sort habituel des opposants à Poutine et aux six ans de peine réclamés par le parquet, mais lourd lorsqu’on considère les faits. Le directeur du théâtre Centre Gogol de Moscou était en effet accusé d’avoir détourné près de 2 millions d’euros de subvention publique pour des spectacles qu’il n’aurait pas montés.

Après avoir été assigné deux ans à résidence, ce qui l’a empêché d’être présent à Cannes où était présenté son film Leto et au Festival d’Avignon pour sa pièce Outside, le réalisateur est donc libre, comme ses « complices ». Lui et ses collaborateurs sont néanmoins condamnés à rembourser les sommes « détournées ».

 

Pourquoi tant d’acharnement ? Il aura fallu pas moins de trois expertises, aucune n’étant vraiment concluante, pour atteindre ce verdict. Cet acharnement ne peut s’expliquer que par la personnalité de l’auteur. Ses créations abordant la politique, la sexualité et la religion de façon très ouverte, comme les spectateurs d’Avignon ont pu l’apprécier avec son adpatation de Lars Von Trier Les idiots en 2015, et son homosexualité revendiquée dans un pays où les « relations sexuelles non traditionnelles » ne sont guère du goût du pouvoir, en font une cible de choix de la part des défenseurs zélés des « valeurs traditionnelles ». Le ministre de la culture Vladimir Mendinski, qui a quitté ses fonctions en début d’année, en faisait partie.

Sa reconnaissance internationale et les nombreuses distinctions qu’il a reçues agacent sans doute les conservateurs et autres nationalistes. En Russie même, Kirill Serebrennikov a une aura telle qu’une foule l’a accueilli avec des acclamations au sortir de son procès. Le public n’est pas son seul support dans son pays, où pas moins de 3000 personnalités de la culture ont signé une pétition lundi pour appeler à la fin des poursuites dans cette affaire « fabriquée ». Des personnalités du monde entier ont par ailleurs défendu le cinéaste, et Sylvie Bermann, ambassadrice de France à Moscou, lui a remis en octobre 2019 l’insigne de commandeur de l’ordre des arts et des lettres.

Il peut donc maintenant poursuivre ses créations, activité que ces trois ans de démêlés avec la justice n’ont pas arrêtée.

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